Voyage en terres étrangères avec les éditions Mirobole
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Expert Littérature

Vous avez peut-être déjà croisé sur nos tables leurs livres, qu’une forte identité graphique rendent reconnaissables entre mille. En un peu plus d’un an, les éditions Mirobole ont, entre autres étrangetés, proposé au public du polar turc, de l’absurde moldave ou du fantastique russe. En défrichant des territoires souvent délaissés par l’édition, Mirobole ne pouvait qu’attirer notre attention. Entretien avec Nadège Agullo et Sophie de Lamarlière, les deux exploratrices à la barre des éditions Mirobole.

Pouvez vous nous présenter Mirobole Editions en quelques mots ?

Maison d’édition bordelaise créée par deux aventurières en mars 2013 publiant des littératures étrangère de genre déclinées sous deux collections : "Horizons noirs" pour le thriller et le polar et "Horizons pourpres" pour le fantastique (mais pas de  fantasy), et maintenant l’absurde. Notre objectif est de publier à terme 10 à 12 titres par an.

Quelles étaient vos autres expériences dans l’édition avant de vous lancer ?

Nadège : études de droit en propriété intellectuelle, stages en maisons d’éditions parisiennes, puis 15 ans dans les droits étrangers, à Londres et Paris, dont une grande partie de ce poste dédiée aux voyages un peu partout en Europe.

Sophie : 10 ans dans la même maison parisienne en tant qu’assistante éditoriale, où j’ai enchaîné les livres en direction littéraire.

Se lancer dans l’édition aujourd’hui, c’est tout de même un défi audacieux. Une crise du livre doublée d’une crise économique, ça n’apparait pas comme la meilleure rampe de lancement, non ? Alors quoi, "même pas peur" ?

N: C’est vrai qu’on nous a pris pour des inconscientes au départ : j’ai démissionné d’un bon boulot à Paris et suis retournée à Bordeaux avec ce projet en tête. J’ai passé les deux années suivantes à le préparer – dont un an de retour sur les bancs de l’école pour perfectionner mes compétences techniques (PAO, ebook, etc)-, Sophie m’a rejoint en cours de route et nous avons finalisé la création de Mirobole. Parce que nous avons pris le temps de préparer le projet, nous étions confiantes que notre ligne pourrait apporter quelque chose de différent aux lecteurs français.

S : Peur, si. On s’est lancées chacune dans ce projet sans possibilité de retour en arrière, sans bretelle ni parachute, on a investi toutes nos économies et même plus pour que le projet puisse prendre forme. Mais si on n’avait pas confiance, on ne serait pas là ! Au final, notre ligne éditoriale entre noir et humour est assez raccord avec notre état d’esprit : c’est parfois angoissant, mais qu’est-ce qu’on s’amuse…

Quand on regarde votre catalogue, la première chose qui frappe c’est une identité graphique très forte, vraiment réussie. Pour ma part, ce sont ces visuels qui m’ont d’abord interpellé. Comment avez vous défini votre identité visuelle ?

N : Une identité visuelle était un des points clé du projet. Dans l’environnement très concurrentiel de l’édition nous savions que pour pouvoir exister et être remarquées il fallait frapper fort. La volonté de casser les codes graphiques inhérents aux genres du polar et du fantastique était quand même un pari risqué mais qui semble aujourd’hui avoir été compris par les lecteurs et libraires. Après, l’identité visuelle permet d’attirer le lecteur, de lui faire choisir votre livre plutôt qu’un autre, mais cette première étape passée, il faut aussi pouvoir ensuite le séduire avec le contenu du livre…

S : Il n’y a qu’à voir la couverture de notre dernier livre, L’Assassinat d’Hicabi bey, un polar turc drôlissime : un gros pistolet à eau d’enfant en plastique bleu vif… C’est audacieux, et on a envie d’ouvrir le livre !

Lorsqu’on épluche le catalogue, on constate que vous ne publiez que des auteurs étrangers et que les anglo-saxons sont nettement sous-représentés. Est-il si difficile de trouver des auteurs français en phase avec votre ligne éditoriale ? Plus généralement, quel est votre regard sur la production éditoriale française ?

N : De par mon expérience en droits étrangers et des voyages effectués dans ce cadre, mon expertise était dans le domaine de la littérature étrangère, je savais par exemple que le domaine fantastique russe était très riche et qu’il y avait des choses à faire sur ce territoire… J’ai vécu 10 ans à Londres et j’en suis revenue avec une culture plus internationale que française et un esprit très ouvert sur l’étranger… J’ai donc redécouvert la littérature française contemporaine de genre : Vargas, Thilliez, Grangé, etc.  Je suis en train de découvrir peu à peu ce monde grâce aux échanges avec les libraires et éditeurs rencontrés au cours de l’année dernière : Les Moutons électriques, l’Atalante, Critic, Scylla pour ne citer qu’eux… Il semble qu’il n’y ait encore que peu d’auteurs français dans le domaine du fantastique et nous adorerions pouvoir trouver des jeunes auteurs français à lancer dans ce genre. Mais avant de ce faire, nous voulons établir en priorité notre réputation en tant qu’éditeur de littérature étrangère de genre. Ensuite il faudra dégager du temps dans notre planning déjà très chargé pour pouvoir commencer la lecture de manuscrits… Bref un axe que nous commencerons à mettre en place en 2016-2017…

Pour revenir aux auteurs que vous publiez, on trouve une Danoise, un Turc, un Moldave, un Polonais, un Suédois et une Russe. Dans un secteur très largement dominé par la littérature anglo-saxonne, cela tient presque un acte militant ! Est-ce voulu ? Comment trouvez-vous ces textes ?

N: Nous ne sommes pas fermées à la littérature anglo-saxonne :  nous avons publié en 2013 Comment j’ai cuisiné mon père ma mère et retrouvé l’amour roman transgenre fantastico-humoristico-zombiesque américain, et publierons en 2015 un autre roman anglais mêlant fantastique, horreur, contes de fées et histoire. Mais c’est vrai que les territoires anglo-saxons ne sont pas notre priorité… Le marché est saturé de littératures de genre provenant de ces territoires et c’est aussi pour ça que nous avons eu la volonté initiale de rechercher d’autres territoires comme l’Europe de l’est ou l’Asie où des petites merveilles en littérature de genre n’attendent que d’être découvertes… Nous avons plusieurs façons de trouver nos textes : en épluchant les listes d’agents ou éditeurs étrangers, ou sur conseil d’un traducteur, ou même en recherchant internet. Un vrai travail de fourmi !

Vous avez deux collections, "horizons noirs" dédié au polar et "horizons pourpres" pour le fantastique. Comment ces choix se sont-ils imposés et sont-ils définitifs ? Pensez vous développer d’autres collections à terme ?

N : Au départ deux collections pour bien différencier les deux genres mais à l’utilisation il est probable que les frontières de ces deux collections se détendent un peu pour accueillir des titres qui ne sont à proprement parler ni du fantastique ni du polar traditionnel. Nous venons d’ailleurs de publier notre premier titre d’absurde Des mille et une façons de quitter la Moldavie dans la collection Horizons pourpres qui pourrait être maintenant qualifiée de collection de littérature de l’irrationnel.

Dans de nombreux textes on retrouve un goût pour l’étrange. C’est inhérent au genre du fantastique mais même en polar votre dernière parution, L’assassinat de Hicabi Bey met en scène un détective de 5 ans existentialiste sur les bords ! D’autres textes aussi décalés viendront-ils enrichir la collection "horizons noirs" ?

N : perso j’adore l’étrange, le bizarre et le décalé en ciné, en littérature, en musique….  J’aime être surprise, sortir de ma zone de confort et  l’Assassinat d’Hicabi Bey polar métaphysiquo-humoristique turc tirant sur l’absurde m’apportait ces choses-là. Il est clair qu’il est plus facile de trouver de l’étrange en fantastique qu’en polar, mais ça existe et nous continuons de chercher !  Nous publierons en fin d’année prochaine une nouvelle enquête du petit Alper Kamu, un roman policier tout aussi atypique et décalé !

Entendez-vous également publier d’autres livres d’Anna Starobinets, qu’on présente comme la Stephen King russe. Je suis la Reine, comment expliquez-vous que ces nouvelles dans l’ensemble très réussies (à commencer par la nouvelle éponyme) n’aient pas attiré l’attention d’autres maisons d’édition alors qu’elles ont été initialement publiées il y a plus de 10 ans ?

N : Il est vrai que nous avons eu la chance qu’aucun éditeur français ne se soit penché sur le "cas Starobinets" avant que nous la découvrions… Il faut aussi dire que l’accès à la littérature russe contemporaine n’a été facilité, au cours des dernières années, qu’avec la volonté de certains agents et éditeurs russes de travailler "à l’occidentale" : production de synopsis en anglais, d’extrait d’ouvrages traduits en anglais, etc. Avant ça, à part si vous parliez russe, il était difficile d’avoir accès à cette littérature surtout quand elle était de genre… Nous sortons le prochain titre d’Anna Starobinets au printemps 2015 un vrai roman de genre cette fois-ci Le Vivant sorte de dystopie rappelant 1984 d’Orwell.

Ma dernière question porte sur vos goûts personnels dans la mesure où ils disent aussi beaucoup de ce que nous sommes et, peut-être, dans votre cas, de ce à quoi vous aspirez au sein des éditions Mirobole. Quelles sont vos œuvres préférées, celles qui vous ont communiqué la passion du livre et le désir d’éditer ?

N : Difficile de choisir mais parmi les livres qui m’ont vraiment marquée, dans des genres bien différents, je pourrais citer The Big Sleep de Chandler, Demande à la poussière de Fante, La trilogie newyorkaise de Auster, la Trilogie du Baron dans Les arbres, Vicomte Pourfendu et Chevalier Inexistant de Calvino, Une trop bruyante solitude par Hrabal. Et s’il n’y avait pas eu d’éditeurs courageux nous n’aurions jamais pu lire Hubert Selby Junior ou Bukowski !



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