Où bat le cœur du monde - Philippe HAYAT

Où bat le cœur du monde de Philippe HAYAT

2015, un musicien s'apprête à tirer sa révérence à 90 ans lors d'un ultime concert à Paris. Ce court premier chapitre est un régal d'émotions. J'ai été conquis dès ces premières pages que j'ai trouvées sublimes.

La machine à remonter le temps nous emmène à Tunis en 1935, à la rencontre de Darius, garçon de confession juive, confronté à la folie des hommes qui le laisse, à dix ans, orphelin de père et muet.

Sa mère, Stella, personnage lumineux du roman, se fait un devoir de pousser son fils dans des études compliquées pour un enfant mal dans sa peau et sans illusions. Alors, lorsqu'il entend la voix d'une clarinette et découvre cette possibilité de s'exprimer sans paroles ni gestes, l'évidence s'impose à Darius qui sait qu'il ne reparlera jamais : la musique sera son avenir et son langage.

La musique est omniprésente dans ce roman, avec le jazz que le jeune garçon écoute sur des disques d'artistes qu'il rêve un jour d'égaler. Il se reconnaît dans ces musiciens qui tentent de rendre le monde fréquentable et de le faire danser. Il veut marcher dans leurs traces, même si cela implique des choix difficiles, prix à payer pour son émancipation. Grâce à Lou, une jeune française qui se prend d'affection pour lui, son rêve devient peu à peu réalité et ses prédispositions pour la clarinette se révèlent immenses.

J'ai adoré les passages décrivant la passion de Darius et ses copains, soldats noirs américains en poste à Tunis en 1943 et instrumentistes accomplis, leurs efforts dans ce qui ressemble à une compétition entre eux, pour se transcender, sublimer leur jeu, s'approcher au plus près de la perfection. Certes, les descriptions sont très pointues, le langage musical utilisé pas toujours compréhensible – sauf pour un musicien très averti que je ne suis pas -, mais il y a un tel lyrisme dans ces lignes que j'ai partagé avec eux ces moments de joie communicative.

L'apparition au cours du récit de figures emblématiques du jazz - Billie Holiday, Dizzy Gillespie, Charlie Parker, Miles davis - permet à l'histoire de prendre une dimension supplémentaire en dépassant le cadre de la fiction.

Il est aussi beaucoup question d'amour. Entre Darius et sa mère, même dans les moments d'incompréhension inévitables entre deux personnes envisageant l'avenir différemment. Avec Dinah, sa fidèle compagne. Avec Lou qui le considère comme son petit frère. Sans oublier l'amour indéfectible de Max pour Stella, sa princesse inaccessible.

La violence, la haine, sont présentes également, avec la guerre et le racisme. L'auteur ne ménage pas ses lecteurs, se laissant aller à une surenchère dans l'intensité émotionnelle. Difficile de lui en tenir rigueur, tant l'écriture est belle.

Darius, lui, trouve toujours refuge dans le jazz, son instrument ne le quittant jamais, comme un prolongement de lui-même.

J'ai refermé ce livre les yeux un peu embués, des notes de musique plein la tête, et plus riche d'une belle et émouvante expérience littéraire. 

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