La merveilleuse histoire de Miguel et Tequila, la petite tortue

L’histoire se passe au Mexique, sur la côte Pacifique, dans un petit village aux maisons multicolores, nommé San Cristobal...
C’est là que vit Miguel, avec sa famille, dans la petite maison bleue d’une ruelle ombragée qui descend vers la mer.
 
Miguel est né ici. Il connaît le village comme sa poche... La petite église de pierres roses, si belle dans la lumière du soir... Le zocalo (C’est la place du village!) où tout le monde se retrouve, à l’ombre des lauriers en fin d’après midi... Le marchand de glaces, aux parfums de fresas, de limon, de piña...
Les vendeurs ambulants de tacos et de quesadillas, qui s’installent le soir, à l’heure où les guitares des mariachis commence à résonner sous les arcades...
Miguel aime beaucoup le zocalo... Tout le monde ici aime le zocalo.
 
Mais l’endroit qu’il préfère par dessus tout, lui, c’est le malecòn, le front de mer (c’est comme ça qu’on dit au Mexique).
C’est une petite baie de sable en croissant de lune, bordée de très gros galets gris, doux et ronds, chauffés par le soleil...
 
Le malecon, c’est un peu son jardin!
Depuis qu’il sait marcher, il court dans le sable chaud, escalade les gros galets, nage dans l’eau transparente, avec les poissons multicolores...
Il les connaît tous!
Il y a le poisson clown, orange et blanc, qui se cache malicieusement dans les algues, le poisson-lune, tout blanc, qui se gonfle comme un gros ballon avec plein de piquants dès qu’il se sent en danger, les poissons bleu tout plats, et les très gros, aux reflets vert et violet...
Il y a les baleines à bosses, qui remontent à la surface en faisant de gros jets d’eau, avant de replonger en montrant leur queue...
Et puis surtout, à San Cristobal, il y a les tortues!... qui viennent la nuit pondre sur la plage et enterrer leurs œufs dans le sable...
Il y en a une que Miguel connaît bien : elle s’appelle Tequila!
L’année dernière, quand elle est venue pondre à côté du très gros galet blanc, c’est lui, Miguel, qui a protégé ses œufs en installant une petite barrière autour... Et, quand les bébés tortues sont nés, c’est lui qui les a aidés à aller jusqu’à la mer à l’abri des prédateurs...
Ce jour là, on dirait que Miguel et Tequila sont devenus amis...
Des amis pour la vie!

 

Depuis, chaque matin, en partant à l’école, Miguel ne manque jamais de faire un petit détour par le malecon, quand l’eau est encore toute calme... Chasue matin, Tequila remonte à la surface, tout près de lui, comme pour lui dire bonjour.
 
Et chaque soir, après l’école, il retourne là-bas, avec la guitare que lui a offerte son oncle Pedro.
Il s’assoit sur le petit ponton de bois tout chaud, face au soleil couchant, et il joue et chante pour Tequila...
Et chaque soir, Tequila remonte, tournoie lentement et danse au son de la guitare, dans la lumière dorée qui inonde les vagues... Un instant magique!
 
Miguel ne manquerait ce rendez-vous pour rien au monde.
 
Mais un soir, Tequila tarde à montrer le bout de sa petite tête... Miguel a pourtant joué leur chanson préférée, celle où Tequila fait toujours les pirouettes sous marines les plus folles... Mais rien... pas un mouvement dans les vagues.
 
Il fait presque nuit quand il rentre chez lui.
Il est tellement préoccupé, qu’il touche à peine à son assiette... Lui qui est pourtant si gourmand...
  • « Mi hiro, que te pasa? Tu n’as rien mangé... Il s’est passé quelque chose à l’école?
  • No mama! C’est Tequila! Elle n’est pas venue aujourd’hui... répond-il tristement.
  • Aaaah, elle est peut-être remontée un peu plus loin, vers les rochers... No te preoccupe! Tu la verras demain. Maintenant, il est l’heure d’aller te coucher, Vamos! »
 
Mais Miguel ne dort pas beaucoup cette nuit là.
Et aux 1ères heures du jour, il se lève sans bruit, se glisse dehors par la porte de derrière, et court jusqu’à la mer.
 
A cette heure là, le malecòn est encore désert, ou presque. On n’entend que le chant des vagues, et les bruits des pêcheurs qui chargent leurs filets pour partir en mer... Miguel s’approche
“Holà amigos, avez vous vu des tortues ce matin?”
Mais Fernando, le plus vieux de tous, lui répond
“No Miguel! Ya no viemos tortugas hoy dia”...
Miguel scrutera les vagues jusqu’au dernier moment, avant que la cloche de l’école ne retentisse dans le village... Mais Tequila ne se montrera toujours pas, ni le soir au coucher du soleil, ni le lendemain matin, ni les autres jours...
 
Au bout d’une semaine, sur le petit ponton de bois, ce sont des chansons bien tristes, que Miguel joue sur la guitare de l’oncle Pedro.
Un soir, son papa, venu le rejoindre, pause tendrement sa main sur son épaule.
“Tu sais mon fils, les animaux de l’océan sont des êtres libres; ils vont et viennent là où la mer et les saisons les portent, avec ceux de leur espèce... C’est comme ça qu’ils sont heureux. Esta la vida”
 
Miguel hoche tristement la tête.
Il pousse un grand soupir, prend la main de son papa, et rentre à la maison.
Il s’endormira triste, mais apaisé.
Et cette nuit là, c’est dans ses rêves que Tequila viendra danser...
 
Le lendemain matin, Miguel ne se sent pas comme d’habitude... Il se souvient rarement de ses rêves... Mais cette fois, curieusement, il revoit tout très clairement...
La mer, le soleil qui perce les vagues, les poissons multicolores, les algues qui ondulent... Tequila, qui danse dans le soleil, au son de la guitare...
Et puis, tout à coup, le soleil qui disparaît... Tequila, qui devient toute grise et ne danse plus... Tequila qui pleure...
 
“Tequila qui pleure!?!...”
Ce n’est pas possible... Ce n’est pas ce que lui a dit son papa...
 
Son sang ne fait qu’un tour!
En un instant, il attrape ses palmes, son masque et son tuba, et file droit vers le malecòn.
Si Tequila pleure quelque part, c’est qu’elle ne va pas bien...
Finalement, elle n’a peut être même pas quitté la baie de San Cristobal...
Miguel veut en avoir le cœur net, tout de suite! Et la meilleure manière de le savoir, c’est d’aller voir lui même au fond de l’eau...
 
La baie est grande... Il en faudra du temps pour passer en revue chaque recoin où la petite tortue aurait pu aller se nicher... Mais Miguel se sent l’énergie d’un titan! Il ne s’arrêtera pas avant de les avoir tous passé au peigne fin...
 
Les heures passent. Le soleil commence à redescendre sur la mer... Miguel à longé et exploré tous les fonds blancs qui bordent la baie... Il n’a pas trouvé la moindre trace de Tequila...
 
Il ne reste plus qu’un endroit à présent : c’est le petit îlot des pélicans, qui fait face au village.
C’est un peu loin à la nage, mais Miguel ne peut pas le laisser de côté... c’est son dernier espoir.
Courageusement, il se lance dans la traversée, suivi par les gros pélicans qui planent au ras de l’eau...
Il est épuisé quand il atteint enfin l’îlot...
 
C’est alors qu’il aperçoit quelque chose qui bouge, là bas, dans l’ombre d’un gros rocher chahuté par les vagues... Son cœur se met à battre à tout rompre, il palme de plus en plus vite... il se rapproche... oui! c’est une tortue, c’est elle! C’est Tequila!
Miguel éclate de joie et l’appelle en riant... Ca fait des drôles de bruits sous l’eau avec son tuba!
Mais on dirait que Tequila ne réagit pas... et, alors qu’il s’approche, il cesse de rire...
Tequila bouge à peine... Elle flotte entre 2 eaux, ballotées par les vagues, les pattes et la tête entravées par un vieux sac plastique déchiqueté...
 
Bouleversé, Miguel s’agrippe au rocher et tente de reprendre son souffle.
Il doit absolument faire quelque chose...
Il se hisse hors de l’eau, et se met à crier en faisant de grands signes en direction du rivage...
Le vieux Fernando, toujours au bord de l’eau pour réparer un de ses filets, ne tarde pas à le rejoindre avec sa barque.
 
Quand Miguel lui raconte ce qu’il vient de découvrir, Fernando le regarde tristement...
« Voilà le progrès et l’insouciance des hommes qui détruit notre belle nature... »
 
“Je connais un campamento tortuguero à Baya de la Luna; là bas, ils sauront quoi faire »
 
Quelques instants plus tard, ils sortent Tequila de l’eau, et la déposent délicatement dans le fond de la barque.
Et les voilà bientôt repartis tous les 3, fendant les vagues pour rejoindre la baie voisine avant la nuit.
 
A leur arrivée, les soigneurs du campamento ne perdent pas une minute...
Ils dégagent facilement les pattes de Tequila. Mais pour sa tête, c’est une autre affaire.
Le plastique est tellement serré et entortillé, qu’ils sont obligés de l’endormir... Délicatement, ils retirent les fibres blanches, et soignent la profonde blessure qu’elles ont laissé dans le petit cou de Tequila.
La voilà enfin libérée!

 

Mais va-t-elle réussir à reprendre assez de forces? Il faudra attendre plusieurs jours pour le savoir...

 

 
Sur le chemin du retour, dans la lancha qui longe le rivage, Miguel prie très fort... Pour que Tequila guérisse! 🤞
 
La semaine suivante, au village, tout le monde ne parle plus que de ça...
L’histoire de Tequila ne laisse personne indiffèrent.
Ce sont les enfants, à l’école, qui réagissent le plus.
Certains sont impressionnés, tristes... d’autres sont en colère...
Alors, avec Miguel, ils décident d’agir, pour que cela n’arrive plus jamais.
Ils commencent à fabriquer de grandes pancartes pour alerter sur les dangers des déchets de plastique.
Les petits dessinent des tortues, les plus grands écrivent les messages... Et ils organisent un défilé sur le zocalo : « plastico prohibido! », « stop aux sacs plastique », « sauvez les tortues! », « gardez vos déchets! »
 
Beaucoup de parents, impressionnés, se rallient à la cause, et l’on commence à réfléchir sérieusement à une solution pour supprimer l’usage des sacs plastiques à San Cristobal.
 
Alors que Tequila reprend des forces au campamento, une grande collecte de déchets est organisée, et tout le village y participe.
Si bien que, le jour de son retour, le malecòn n’a jamais été aussi propre!
 
Pour ce grand moment, toutes les familles du village se sont rassemblées au bord de l’eau. On a mis des piñatas partout! beaucoup en forme de tortue! 😉
Les soigneurs du campamento arrivent en barque avec Tequila. Miguel les attend, de l’eau jusqu’au cou.
Sous le regard ému de tout le village, Tequila, enfin guérie, est remise à l’eau, dans « sa » baie...
Sur le ponton de bois, tout le monde retient son souffle...
Au bout de quelques instants, elle descend lentement, puis remonte à la surface... elle s’approche de Miguel et commence à tourner et danser autour de lui.
On attend alors des « hihaaaa!», « viva Tequilaaaa!», et les guitares se mettent à jouer, toutes ensemble.
Quelle fête!
 
Depuis ce jour, on fête les tortues chaque année sur le malecòn, et il n’y a plus eu un seul sac plastique à San Cristobal.
 
Il parait même que les villages voisins s’y sont mis! Et les voisins des voisins ont commencé aussi!...
Hihaaaaa! Viva la tortugaaaa!
 
Une histoire inventée par Jacques Camurat, enrichie avec Ferdinand et Brune, et rédigée par leur maman. 
Inspirée par notre voyage à travers les Amériques, plus spécialement le Mexique, où nous sommes depuis 2 mois. 
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