Troisième vie

Sept ans.
Sept longues années à parcourir le monde et me voici devant cette montagne à gravir. L'escalade offre un sentiment de liberté incroyable, et, sans attaches, j'attaque mon ascension.
 
Mes attaches, elles m'ont quitté il y a bien longtemps. Cela me paraît une éternité. J'ai perdu ceux que j'aimais le plus, et j'ai abandonné ceux qui restaient. Un globe-trotter, c'est sûrement le terme qui décrirait le mieux mes sept dernières années, mais c'est pourtant le coeur et l'âme des Hommes que j'ai tenté de visiter.
 
La paroi est abrupte et glissante mais je n'ai pas peur. Non je n'ai pas peur.
 
Sept ans à tenter de comprendre, à analyser, à observer. Tout ce temps à essayer de réunir les ingrédients rendant possible l'accès au bonheur. Mais dans cette troisième vie, le bonheur est un concept inexistant. Il ne résonne qu'en souvenirs lointains qui font mal. Le paradoxe, c'est que dans cette vie ou le mal-être est notre plus fidèle compagnons, le lâcher-prise est pourtant le plus total. Plus rien ne nous importe. Absolument plus rien.
 
Je prend de la hauteur et vois le monde différement. Les prises sont étroites, mais je m'y agrippe fermement.
 
Car c'est bien là la définition du lâcher-prise : ne plus s'embêter avec les choses futiles de la vie. Mais qu'est-ce qui est futile? Tout et rien; cela dépend de chacun. Le lâcher-prise est donc une notion subjective qui dépend entièrement de tous ces paramètres qui forme le paradigme de notre vie.
 
Le sol est maintenant bien loin. La fatigue se fait sentir et mes muscles commencent à me faire souffrir.
 
Notre plus grand bonheur, la naissance de nos enfants, nous fait renaître. Dans cette deuxième vie, le changement est violent et tout semble s'inverser. Ce qui nous semblait jusqu'alors important devient secondaire, et tout ce qui nous semblait secondaire devient important. Et dans cette nouvelle vie qui est une perpétuelle course, on se répète qu'il faut apprendre à lâcher-prise pour être heureux. Le bonheur semble alors très subjectif lui aussi.
 
Chaque prise que j'attrape est un nouvel effort à faire mais je tiens bon et le sommet se rapproche.
 
Sept ans.
Sept longues années à parcourir le monde et le long de cette montagne que je gravis, je prend conscience que ce que je cherchais en observant l'Homme, je l'avais en moi. La réponse à ma question - comment atteindre le bonheur? - était là, à l'intérieur. Au final, peu importe les questions que l'on se pose, toutes les réponses se trouve en nous. Nos semblables sont des sources d'inspiration ou des indicateurs peut-être. Ce sont des moteurs, sûrement, qui nous poussent à chercher les réponses. Moi, c'est mon plus grand malheur, la mort de mes enfants qui m'a de nouveau fait renaître dans cette troisième vie à l'insoucience ultime. Ma propre vie m'importe peu. Rejoindre mes enfants, ce serait ça mon bonheur aujourd'hui.
 
A quelques mètres du sommet, je m'arrête, la respiration haletante. Je baisse les yeux. J'hésite. Je souris. Je me sent parfaitement bien, maintenant je sais. Mes mains s'ouvrent. Plus rien ne me retiens. Mes attaches m'ont quitté il y a bien longtemps. Cela semble une éternité. Enfin aujourd'hui je pars les retrouver. Peu importe la vie qu'on mène, quand nous avons défini ce qui nous semblait futile et ce qui pourrait nous rendre heureux, alors lâcher-prise nous porte vers le bonheur, et tout semble si simple.
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