Un après-midi de février. Quelque part en région parisienne. La neige est tombée et a décidé de rester. Elle habille de son blanc manteau glacé toutes les rues et les allées de la ville. Elle rend le jour clair. Lumineux. Éclatant. Ce qui nous change de la grisaille ambiante… Celle des cieux. Et aussi celle des cœurs. Je suis chez moi, plongée dans mon écriture, quand tout à coup je vois apparaître de la fenêtre de ma chambre, un flamboyant soleil qui brille de mille feux. Ses rayons se reflètent sur les milliers de gouttelettes d'eau qui ornent ma fenêtre en un feu d'artifice multicolore. Toutes les couleurs de l'arc en ciel dansent sous mes yeux. 

Magnifique.

Moment de poésie. Moment de féerie… quand la magie de la vie, du vivant, parvient à pénétrer les murs opaques de notre quotidien et le sublimer, l'espace d'un instant. Avec le bleu du ciel en arrière plan, les gouttelettes étincellent. M’ensorcellent. “Les étoiles scintillent aussi de jour”, me dis-je en souriant, avant d’inviter ma fille à rejoindre ma contemplation. Je ne saurais dire qui de l'une ou de l'autre est la plus émerveillée. C'est alors que je prends conscience de sa présence. 

Il est là. 

Je suis avec ma fille qui dessine joyeusement, nous écoutons nos plus belles berceuses jazz et le froid ne nous atteint pas car un rayonnant soleil d'hiver nous enveloppe et nous réchauffe. À l'extérieur, la température avoisine les moins dix degrés… Je pense à tous ces gens dehors, luttant contre le froid, pataugeant péniblement dans cette neige devenue gadoue… attendant désespérément un train, un bus qui ne vient pas ou qui arrive bondé… tous ces gens coincés dans les bouchons, trompant leur ennui, ruminant leur colère… à des années lumière de ma petite bulle de douceur et du bien-être qui l'accompagne. 

Moi qui suis tranquillement chez moi, au chaud avec ma fille chérie, je mesure ma chance de pouvoir assister à ce spectacle de toute beauté. À pouvoir m'en nourrir. M'en inspirer. Étais-je la seule à l'apercevoir ? À en profiter ? À en être émue, touchée ? Qui, dans cette agglomération de plus de 12 millions d’habitants pouvait bien, à cet instant précis, trouver - prendre - le temps, le luxe de contempler et d’accueillir la beauté toute simple et nue quand elle se présente et se dévoile à soi ? 

Je me félicite alors de mes choix de vie. Car si j'étais là, absorbée par ce doux spectacle, c'est parce que je l'avais décidé. J'avais osé rêver. J'avais osé risquer. J'avais osé me mettre en marche pour vivre ma vie cousue mains. La mienne. Faite de mes mains. De mes rêves. De mes larmes. J'avais eu l'audace, le courage et la folie aussi, de suivre les chemins qui ne mènent pas à Rome mais à Soi ! Alors, non, ma “chance” je ne l'avais pas volée. Je ne l'avais pas même gagnée ni méritée. Je l'avais créée… De toutes pièces ! 

J'ai alors pu le savourer. 

Pleinement. 

J'ai lâché prise de toutes mes inquiétudes, attentes, soucis du moment (et ils étaient nombreux !) pour m'abandonner et me fondre - me dissoudre - toute entière dans la grâce de cet instant suspendu. À la fois hors du temps et puissamment ancré dans l’ici et maintenant. 

Je pouvais le ressentir et le vivre. 

L'alignement parfait entre le corps, l'âme et l'esprit. 

Le bonheur. 

Le vrai. Le grand. Le fugace. L'intense. L'inattendu. L'inespéré. Qui survient sans crier gare sur la pointe des pieds. Qui nous enchante de sa mélodie en gardant le silence. Qui étanche notre soif de beauté, de justesse, de lumière en l’attisant. Celui qu'on n'achète pas. Qu'on ne marchande pas. Qu'on ne vend pas. Celui qui s'offre et que l'on s'offre. Celui que je m’offre. Et ça, ça n'a pas de prix.