AVIS : LA MARCHEUSE de Samar Yazbek

‎01-07-2020 17:03

AVIS : LA MARCHEUSE de Samar Yazbek

Ce livre n’est pas un roman c’est un univers, l’univers poétique et métaphorique de Rima, adolescente syrienne sans père, considérée comme folle par sa mère. Dans l’enfer de la guerre, Rima raconte son quotidien, la triste réalité de la guerre mais aussi et surtout le monde imaginaire qu’elle se crée peuplé de ses souvenirs de lectures, des personnes qui ont compté pour elle et de couleurs.
Je suis immédiatement entrée dans l’univers de Rima, sa poésie et sa candeur mais paradoxalement ce sont les raisons qui m’ont fait aimé ce livre qui m’ont parfois gênée en cours de lecture.
Habituellement j’ai beaucoup de mal à suivre les romans où l’auteur prend la voix d’un enfant ou d’un adolescent. Je trouve souvent que cela sonne faux. Cela n’a pas été le cas dans ce livre probablement parce que l’écriture est singulière. Rima est-elle simple d’esprit ou traumatisée ? Cette enfant muette qui sait si bien utiliser les mots m’interpelle. Elle écrit comme elle pense, jetant sur le papier ses pensées, ses souvenirs, comme ils viennent. Certes l’ensemble est décousu et cela me perturbe parfois mais peu importe je la suis dans son récit.
En début de lecture j’étais un peu agacée par ses digressions, ses « ça c’est une autre histoire, je te la raconterai », »je t’en dirai plus par la suite » et comme en écho à mes propres réflexions Rima a écrit « Je voulais t’en faire part dès le moment où je t’ai parlé d’elle, mais les idées s’embrouillent dans mon esprit et je m’éparpille en propos divers. J’en profite pour te dire que j’adore ce mot – « éparpillement » » . Dès lors plus aucun « éparpillement » ne m’a semblé de trop, probablement aussi parce que les faits évoqués justifiaient qu’elle s’éparpille !
Au milieu de la Goutha elle me fait vivre son quotidien et partage avec moi, avec son langage, le peu d’activité qu’elle peut avoir, les silences rompus par les avions survolant les ruines. Elle me l’explique avec ses mots d’adolescente mais moi je sais à quel enfer cela correspond et je trouve que c’est toute la force de ce texte, ce décalage entre le récit de Rima et la violence de la réalité. Rima se réfugie dans l’écriture, dans ses souvenirs de lecture et en particulier Le Petit Prince, son livre préféré mais aussi dans sa mémoire : elle se souvient notamment de Set Souad, cette bibliothécaire qui a pris des risques pour lui faire découvrir les livres. Voilà une bien belle façon de montrer le pouvoir de la littérature et de l’art pour élargir l’horizon.
Je trouve que la puissance de ce roman est faite de ce décalage entre les mots de l’adolescente et la réalité que l’on devine derrière ses mots. Il n’est pas surprenant que les livres de référence de Rima soient « Le petit Prince » et « Alice aux pays des merveilles » des livres à l’apparence simple qui renferment plusieurs niveaux de lecture.
Et si je relisais « Le Petit Prince » juste pour me rappeler que « Les grandes personnes ne comprennent jamais rien toutes seules, et c'est fatiguant, pour les enfants, de toujours et toujours leur donner des explications... » ?

 

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