Aki Shimazaki est une romancière nippo-québécoise qui écrit en français. Son œuvre se compose de pentalogies dont les romans, variations autour d’une même trame, peuvent se lire indépendamment les uns des autres. « Sémi » est le second roman du quatrième cycle. Ce terme signifie cigale en japonais.
Sémi, sémi, sémi, où te caches-tu ?
Après tant d’années sous terre
Tu n’as que quelques semaines à l’air
As-tu de la nostalgie pour ton long passé
Dans le noir ?
Tetsuo et Fujiko se sont unis il y a plus de quarante ans par le biais d’un mariage arrangé. Ils ont élevé trois enfants, ont mené une vie laborieuse et tranquille. Ils vivent désormais dans une maison de retraite d’où l’on peut apercevoir le mont Daisen, qui ressemble au mont Fuji. Fujiko commence à développer des symptômes de la maladie d’Alzheimer et se réveille un matin sans le moindre souvenir de son mari. Pour préserver l’équilibre émotionnel de son épouse, Tetsuo devra se fondre dans le rôle du fiancé qu’il était au début de leur relation, redécouvrir la femme qu’il croyait connaître afin, peut-être, de la reconquérir. Mais ce que Tetsuo prend au début pour des fantaisies confuses, issues de l’imagination malade de Fujiko, se mue bientôt en un éclairage déplaisant sur des pans cachés de leur histoire commune.
Dans un style simple et doux, laissant la part belle aux dialogues, l’autrice raconte les secrets inavoués, les concessions dans l’amour, les trahisons dans la durabilité d’un couple. Avec beaucoup de tendresse et de pudeur, elle aborde les compromis, la maladie et la vieillesse, écaillant progressivement l’illusion pour révéler la réalité qui se cache en-dessous. Ce récit m’a rappelé un peu « Le fusil de chasse » de Yasuhi Inoué, même si le style et le ton sont très différents. « Sémi » est une histoire plus légère, plus simple, mais qui parvient à maintenir le lecteur attentif et ému. Une lecture facile et rapide donc, qui laisse une impression d’élégante humanité. Il s’agit du premier roman que je lis de cette autrice, et lorsque j’aurai envie d’une lecture paisible, je replongerai sans hésitation dans ce style sans artifice à l’émotion contenue.