L'Ancêtre, de Juan José Saer

‎31-03-2021 22:06

L'Ancêtre, de Juan José Saer

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Quelle plume somptueuse que celle de Juan José Saer. Mon espagnol n’étant pas assez agile pour découvrir le texte natif, c’est dans sa forme « transmutée » que j’ai lu ce roman magnifiquement traduit en français par Laure Bataillon. Et l’alchimie des mots se révèle magique. Nul dialogue dans ce récit de moins de 200 pages, juste le témoignage monolithique et presque charnel d’un vieil homme au seuil du grand sommeil, qui se remémore son destin fabuleux pour en extraire l’essence, si ce n’est le but.

 

En 1515, trois navires quittent l’Espagne en direction du Nouveau Monde. Ils jettent l’ancre dans l’estuaire d’un fleuve doré sinuant parmi la forêt luxuriante et toute bruissante de mystères. Mettant pied à terre, le capitaine et ses hommes sont immédiatement massacrés par des indigènes qui emportent les corps et le seul survivant du groupe : un jeune mousse orphelin de quinze ans, narrateur de cette histoire. Le garçon ne sera rendu à son peuple que dix années plus tard…

 

Le récit se structure en deux parties distinctes bien que liées dans la même masse. Dans la première moitié du récit, le garçon raconte sa vie parmi ce peuple anthropophage empli de contradictions et comme frappé d’une malédiction énigmatique. Aux scènes cannibales et orgiaques se succèdent des périodes de vie harmonieuse au sein d’une nature traversée de symboles. Les interrogations anthropologiques du narrateur m’ont rappelé les écrits de Claude-Lévi Strauss, cette recherche du sens, de l’être et du paraître dans les mots et les comportements. Def-ghi, Def-ghi ! Ainsi les sauvages appellent-ils le garçon dès son arrivée parmi eux. Mais quelle signification ont ces mots ? La seconde partie raconte le retour du garçon à l’Ancien Monde et son cheminement vers un second éveil, la compréhension de son destin et de celui des êtres parmi lesquels il a vécu. Une étincelante et triste réflexion sur la réalité du monde et la place qu’un Homme peut y tenir.

5 Réponses 5
‎01-04-2021 10:28

Re: L'Ancêtre, de Juan José Saer

@dvall merci pour cette découverte. Ce roman a tout pour m'intéresser et me plaire.

‎01-04-2021 10:35

Re: L'Ancêtre, de Juan José Saer

Bonjour @MAPATOU, tu ne seras pas déçue je pense. C'est assez vite lu, la langue est belle, la réflexion profonde. Et c'est Franck Bouysse en personne qui a recommandé cette lecture sur Instagram... Je ne regrette qu'une chose, que ma pratique de l'espagnol ne soit pas suffisamment étoffée pour découvrir le texte original !

‎28-04-2021 12:08

Re: L'Ancêtre, de Juan José Saer

@dvall je mets ici ma chronique sur ce roman.

 

 

C’est la chronique de @dvall   lue sur le blog de CulturaLivres qui m’a donnée envie de découvrir ce livre.

 

Ce récit romancé est inspiré d’une histoire vraie du XVIème siècle : en 1515, trois navires espagnols ont appareillé en direction du Nouveau Monde. Sur l’un des navires avait embarqué une jeune orphelin de 15 ans, devenu mousse.

 

Plusieurs mois plus tard, arrivés près de l’embouchure du fleuve Paraguay, une petite équipe d’hommes, dont le capitaine et le mousse, débarquent à terre. Les Espagnols sont massacrés, seul le mousse est épargné.

 

Fait prisonnier, il est emmené dans la tribu, les Indiens emportant avec eux les corps de leurs victimes.

Le jeune adolescent, qui ne comprend pas pourquoi il a été épargné, assistera à la fête organisée où les corps de ses compagnons seront dépecés, grillés et dévorés et à l’orgie alcoolisée qui s’ensuivra. Ce défoulement collectif faisant penser aux périodes de Carnaval au Moyen Age.

 

Ces Indiens androphages ne semblent toutefois manger de la viande humaine qu’une seule fois par an.

 

Tous les ans, à la même époque, la même chose se reproduira, les Indiens ramenant de leur « chasse » les cadavres d’autres tribus, toujours accompagnés d’un survivant, appelé  » Def-ghi ».

 

Ce Def-ghi est renvoyé dans sa tribu d’origine quelques mois plus tard dans une barque chargée de cadeaux.

 

Le mousse espagnol, lui aussi traité comme un Def-ghi, ne retrouvera la liberté que 10 ans plus tard, quand un navire espagnol accostera tout près du lieu où vit la tribu.

Renvoyé lui aussi dans une barque, il retrouvera ses congénères mais 10 ans passés dans cette tribu lui ont fait oublier sa langue maternelle.

 

Le récit qu’il fait de ses années de captivité, de sa compréhension du fonctionnement de cette tribu, de son langage, de leur compréhension du monde et de leurs croyances amène à celui de son retour en Espagne, de la transformation que son être intérieur pendant sa captivité et de son choix de vie ultérieur.

 

Je m’attendais en débutant la lecture de ce livre à une ressemblance dans les descriptions de cette tribu avec celles faites des Indiens Quechua par Luis Sepulveda dans « Le vieux qui lisait des romans d’amour ».

 

Il n’en est rien, en tout cas pas que je m’en souvienne.

 

Ce qui m’amène à penser que l’Homme primitif a toujours fait preuve d’une grande créativité pour penser l’origine de la Vie et créer des mythes et croyances.

‎29-04-2021 09:01

Re: L'Ancêtre, de Juan José Saer

Merci pour ce retour de lecture, @MAPATOU. Au-delà de l'histoire, qu'avez-vous pensé du style d'écriture ? Personnellement, il m'avait vraiment embarqué, même si c'est une traduction de l'espagnol bien sûr.

Je n'ai pas lu le roman de Luis Sepulveda mais j'irai jeter un œil...

‎29-04-2021 18:48

Re: L'Ancêtre, de Juan José Saer

@dvall Je trouve qu'il a un style très poétique très bien traduit en français. Effectivement, le lire en espagnol doit être encore plus fort.

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