Un appel de son frère Olivier et voilà Isabelle, la narratrice, en route pour le village des Alpes où ils sont nés. Elle revient à contrecœur auprès de celui qui, un jour, lui a dit " Tu ne seras jamais aimée de personne. Tu m'as dit ça, un jour, mon père. Tu vas rater ta vie. Tu m'as dit ça, aussi. De toutes mes forces, j'ai voulu faire mentir ta malédiction."
Olivier lui apprend que leur père a "la maladie de l'oubli", des oublis et des confusions font craindre qu'il ne sombre rapidement dans les brumes de l'oubli.
Quel plaisir de retrouver l'écriture toute en dentelle de Gaëlle Josse ! Dès les premières pages, de quelques superbes traits de plume, elle esquisse la personnalité des différents membres de cette famille.
Le père, guide accompagnateur, est un homme aux humeurs imprévisibles, habité par une colère toujours prête à éclater, mutique et impatient, il est craint dans sa famille alors que depuis toujours dans la vallée il est un héros estimé de tous les habitants. La mère décédée dix ans plus tôt était le tampon entre le père et les enfants tentant sans cesse de détourner la colère du père "maman buvard, maman bloc de mousse" qui cherchait toujours à apaiser ce qui pouvait l'être. Le grand frère est un être solide qui console et soigne " Il est le tronc, les racines, les branches, le fruits" mais il " cache de solides échardes sous la peau, il ne faut pas trop les toucher, elles affleurent en transparence". Quant à Isabelle, "pleine de chaînes et de clous à l'intérieur", après avoir essayé toute son enfance de se faire aimer de son père, elle a finalement fui la montagne pour partir explorer le fond des océans. Le décor est planté, les rôles sont distribués.
Pendant quelques jours Isabelle va rester auprès de son père et de son frère, assaillie d'images, de sensations et de souvenirs d'un père souvent craint, parfois haï qui ne trouvait apaisement que dans sa montagne, seul ou avec des groupes de randonneurs. Une montagne dont la présence écrasait la petite fille qu'elle était. Elle se souvient aussi des terreurs nocturnes qui envahissaient les nuits de son père, que cachaient-elles ? Qu'est-ce qui avait empoisonné son sang ? "Ton père a une épine dans le cœur, Isabelle, ça l'empêche de vivre et ça le rend invivable, c'est tout. Il ne parvient pas à traverser sa propre nuit."
Au cours de ces quelques jours, des liens vont se nouer. La révélation de ce qui a détruit cet homme et impacté toute sa famille, sa fragilité de vieil homme aux portes de l'oubli et de la mort bouleversent Isabelle qui va parvenir à faire la paix avec ce père dont elle savait si peu de choses. En fin de roman la voix d'Olivier prend la suite de celle d'Isabelle comme s'il lui prenait la main comme il a eu si souvent l'occasion de le faire, un bien joli symbole... Tout le roman est imprégné de la très belle relation entre ce frère et cette sœur qui auront choisi des voies très différentes. pour survivre à leur passé.
Un magnifique roman empreint d'une douce mélancolie. Une plume toujours aussi soignée. Un titre très beau. Un roman délicat, sensible, très beau.
A l'ombre des montagnes, dans une maison bien silencieuse à la lisière d'un village, trois personnages se retrouvent, un frère et une soeur puis le père. Isabelle revient à la maison, aux origines après un appel de son frère Olivier. Olivier veut lui annoncer que son père entre dans l'ombre, perd la mémoire à la frontière des ténèbres. Mais, pour Isabelle, est-ce que les ténèbres ce n'est pas exactement son père ?
Ce père, guide de montagne, un peu taciturne, terrorisait sa famille, est en particulier sa fille Isabelle. Un père cruel qui était capable de lui dire des cruautés, des mots brulants, des mots impossibles à oublier, des mots qui restent, qui blessent, qu'on ne peut arrêter de ressasser.
Un voyage de quelques jours qui fait remonter les souvenirs d'un père colérique, imprévisible, mais peut-on pardonner à l'aube de la fin du voyage ? Peut-on faire taire la colère qui gronde ? Et voir l'amour d'un père tant attendu ?
Gaëlle Josse, une nouvelle fois m'emporte totalement avec elle, comme à chaque fois, Gaëlle entremêle à merveille le passé et le présent, les souvenirs d'une fille, et l'évaporation des souvenirs d'un père et montre que le passé a toujours un impact sur le présent. Gaëlle Josse livre avec une très grande justesse l'histoire difficile d'une famille meurtrie.
Malgré un sujet complexe, Gaëlle Josse offre sa lumière, sa plume poétique, sa douceur incroyable, sa beauté des mots. Une actrice qui me ravit à chaque sortie, Gaëlle est depuis toujours une de mes autrices préférées et cela se confirme encore cette fois. Une totale réussite ! 
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