
Un récit des plus étranges et déroutants. C’est d’abord le titre qui m’a happé par sa longueur et son étrangeté. La quatrième de couverture et deux ou trois critiques glanées en ligne me laissent imaginer un roman à la croisée des chemins entre « Equus », la pièce de Peter Shaffer, et « Mysterious Skin », le roman de Scott Heim dont Gregg Araki fit un film. Certes, ce roman parle de chevaux, d’un adolescent en proie à un amour ravageur et à des pulsions autodestructrices, du chavirement dans la prostitution, du débattement d’une âme torturée... mais la comparaison s’arrête là. Le roman a été récompensé par le prestigieux Montanas Litteraturpris en 2011 et par le Prix de littérature de l’Union Européenne en 2016. Cela finit de me convaincre.
Bjørn adolescent fait du cheval, tombe amoureux du maître de manège de vingt ans son aîné, s’engage avec lui dans une relation sur contrat, perverse, sadomasochiste, qui le marquera dans son cœur et sa chair. Bjørn enfant a pris la place du père dans le lit de la mère, qui élève seule ses fils et aime les chiens. Bjørn jeune adulte essaie d’oublier son amant et lui-même dans la fuite et la prostitution. Bjørn se cherche et s’oublie, souffre et jouit. « Une âme indéfinie dans un corps défini. »
Le récit est un journal intime, une chronique écartelée entre le passé et le présent, entre l’amour de l’autre, nourrisseur, et la haine de soi, destructrice. L’écriture abat les tabous, brise les codes, ceux de la syntaxe et de la morale, du genre et de l’identité. Le narrateur est « je », puis il est « il », ou « elle », ou « tu ». Derrière la perversion pulse l’amour. Derrière la crudité perce la poésie. La prose est comme une succession de vagues qui drossent brutalement des insanités sur la p(l)age avant de refluer en écoulements poétiques. La plume est organique, les corps palpitent, les mots s’agitent, l’âme se délite. Une lecture singulière, tout à la fois choquante et fascinante.
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