Le convoi de l’eau
Akira Yoshimura
Il est fascinant de contempler la mise en place d’une intrigue comme celle de ce roman inquiétant, poétique et d’un bel équilibre narratif (Mizu no soretsu 水の葬列). A l’instar de son superbe roman « Naufrages », décrivant le quotidien d’un village côtier aux cruelles coutumes à travers les yeux d’un enfant qui s’éveille à la dureté de la vie, Akira Yoshimura imagine ici un hameau perdu dans une étroite vallée de montagne régulièrement lavée par des pluies diluviennes. Mais contrairement à « Naufrages », la focale vient d’ailleurs car le narrateur de cette histoire est un homme torturé qui s’est engagé parmi l’équipe d’ingénieurs et d’ouvriers chargés « d’arpenter les lieux et de vérifier la nature du terrain » en vue de la construction d’un barrage. Le destin de cette vallée est d’être noyée par les eaux, celui de l’étrange communauté villageoise qui y réside d’être expropriée sur indemnisation.
Après plusieurs jours de marche en montagne, l’équipe de travailleurs arrive finalement en vue du mystérieux hameau aux grandes maisons à toits pentus et pesamment moussus, au pied duquel coule un torrent. Quelques parcelles agricoles et surtout un immense cimetière peuplé de pierres tombales centenaires occupant les plus beaux terrains. Ayant interdiction de s’approcher de la communauté et de ses propriétés, afin de s’assurer de la bonne coopération des villageois, les ouvriers établissent à distance leur campement pour plusieurs mois et débutent leurs travaux d’étude et de forage, apportant fracas et tremblements dans la vallée.
Tout au long du récit s’installe une ambiance comminatoire et en même temps fascinante par la beauté des descriptions de cette vallée soumise aux saisons et aux éléments. Le comportement insolite des villageois et leurs dures traditions sont décrits avec le regard des ouvriers et notamment de ce narrateur extérieur, dont les manifestations intérieures semblent entrer en résonance avec l’étrange communauté. Tandis que des événements imprévus et menaçants surviennent, le destin des uns et des autres semble inéluctablement s’acheminer vers un drame. Suspens contemplatif et tension psychologique garantis…
J'aime beaucoup les romans descriptifs comme ceux de McCarthy, mon écrivain préféré. Celui-là m'y fait penser @dvall
Même si ces deux écrivains sont très différents, ils ont en commun de savoir saisir une ambiance et une époque tout en croquant des personnes marquants, @IsaPouteau. J’aime autant l’un et l’autre et je pense que ce roman pourrait vraiment te plaire.