Lettre d'une inconnue, de Stefan Zweig

[dvall]

Lettre d’une inconnue

Stefan Zweig

Un romancier renommé reçoit un jour une lettre écrite par une inconnue et qui débute ainsi : « Mon enfant est mort hier ». Il s’agit de l’ultime confession d’une mère partant rejoindre son fils, l’aveu d’un amour caché et transcendant, qui a illuminé l’existence de cette femme depuis qu’elle est en âge d’éprouver l’émoi. De cet amour passionnel et jamais avoué, frôlant presque la folie, la femme décrit la genèse, son embrasement et ses soubresauts torturants, sa persévérance obstinée au fil des années malgré son incapacité à le révéler. C’est sans remords ni amertume que cette femme confesse la lumière et le drame de sa vie à celui qui a été sans le savoir le réceptacle d’une telle passion.

À trois âges différents, la jeune fille devenue femme, frappée d’un amour incommensurable et désintéressé, croisera le chemin de cet homme charismatique aux mœurs galantes mais d’une liberté inconséquente. Face à la nature libertine et inaccessible de cet homme qui représente l’astre unique de son univers, cette femme jamais n’avouera qui elle est et quel feu dévastateur embrase son être. Elle partagera son lit, quelques heures de son existence, mais jamais il ne se souviendra d’elle, ne fera le lien entre la jeune adolescente qui habitait en face de sa porte, cette jeune fille à la beauté insolente croisée dans la rue, et cette femme aux atours charmeurs qui attirera son regard lors d’une soirée mondaine.

Il émane de ce texte une mélancolie douloureuse, une acuité dans le ravage amoureux qui confine au tragique. Comme toujours, le style de Stefan Zweig est empreint d’une admirable subtilité. Il coule avec fluidité et sans prétention, comme la vie de cette femme qui s’effeuille en quelques cent pages d’un bel équilibre. Zweig parvient à donner corps à cette femme maudite par sa propre passion inavouable, à retranscrire ses sentiments avec grande justesse. Cette lettre d’une inconnue est un cri de l’âme, un chant du cygne.

Lettre d'une inconnue : Stefan Zweig - 9782253175094 | Cultura

[IsaPouteau]

Merci pour cette chronique @dvall Je n'ai jamais lu Stefan Zweig et il faut absolument que je m'y mette.

[dvall]

Oui je vous le conseille vivement, @IsaPouteau, c’est un incontournable et je suis convaincu que son style vous séduira.

[LeaCultura]

@dvall Je suis comme @IsaPouteau je n'ai pas encore lu de Zweig. Il faut que ça change !

[dvall]

@LeaCulturaet @IsaPouteau, Stefan Zweig a rencontré un grand succès avec ses nouvelles. Je vous conseille de débuter par là si vous souhaitez découvrir cet auteur qui fut profondément traumatisé par la guerre en Europe et son propre déracinement. "Lettre d'une inconnue" est une très belle façon de découvrir Zweig. Moi je l'ai découvert avec "Le Joueur d'échecs" qui m'avait autant charmé et qui a été publié à titre posthume. Voici d'ailleurs la lettre d'adieu que Zweig écrivit avant de se suicider avec son épouse malade :

« Avant de quitter la vie de ma propre volonté et avec ma lucidité, j’éprouve le besoin de remplir un dernier devoir : adresser de profonds remerciements au Brésil, ce merveilleux pays qui m’a procuré, ainsi qu’à mon travail, un repos si amical et si hospitalier. De jour en jour, j’ai appris à l’aimer davantage et nulle part ailleurs je n’aurais préféré édifier une nouvelle existence, maintenant que le monde de mon langage a disparu pour moi et que ma patrie spirituelle, l’Europe, s’est détruite elle-même.

Mais à soixante ans passés il faudrait avoir des forces particulières pour recommencer sa vie de fond en comble. Et les miennes sont épuisées par les longues années d’errance. Aussi, je pense qu’il vaut mieux mettre fin à temps, et la tête haute, à une existence où le travail intellectuel a toujours été la joie la plus pure et la liberté individuelle le bien suprême de ce monde.

Je salue tous mes amis. Puissent-ils voir encore l’aurore après la longue nuit ! Moi je suis trop impatient, je pars avant eux. »

— Stefan Zweig, Pétropolis, 22-2-42