
Un petit village enclavé entre mer et montagnes dans un Japon encore primitif. Le balai des saisons qui impose sa cadence à la nature et aux villageois. La faim qui menace toujours et pèse sur le destin de chacun. La nécessité d’aller au village le plus proche pour y échanger du poisson fumé ou du sel contre des céréales. Et lorsque cela ne suffit pas, l’obligation pour certains villageois de se vendre pour des années afin d’assurer quelque subsistance à leurs proches. C’est ainsi que le père du jeune Isaku part pour trois ans, le laissant lui, sa mère, son frère et ses deux sœurs dans l’espoir d’un avenir meilleur. Isaku n’a que neuf ans et il doit pourtant apprendre à devenir un homme, endurer la sévérité de sa mère qui est gage de persévérance, s’évertuer à devenir un bon pêcheur, se plier aux étranges et cruelles traditions de ce village vivant au rythme des saisons et de la fortune capricieuse.
Isaku doit apprendre l’ingénieuse technique de pêche au maquereau ou la manière d’attraper les poulpes au crochet, reconnaître les signes de la saison des sardines ou de l’encornet. Il doit aussi contribuer à l’entretien des grands feux sur la plage à la période des tempêtes. Car si ces feux sont allumés pour cuire le sel, ils le sont aussi et surtout pour leurrer les navires en perdition et provoquer leur naufrage. Tout l’espoir des villageois est tendu vers ces précieuses cargaisons de riz, d’huile, de sucre et de saké. De ces denrées qu’ils parviendront à dérober à leurs infortunés convoyeurs, ils tireront leur subsistance pour des mois ou des années. Mais quel est le prix à payer pour telle cruauté ?
Dans cette histoire d’inspiration légendaire, Akira Yoshimura brosse un tableau impressionniste où la souffrance des Hommes et leur sombre ingéniosité conduisent à la survivance de coutumes anciennes et avilissantes. Il y a pourtant de l’honneur chez ces naufrageurs, ainsi qu’une abnégation admirable. De voir ce village subir les assauts de la nature et du hasard est d’autant plus poignant que le personnage principal de ce récit est un enfant innocent qui doit apprendre à lutter contre l’adversité.