Nuée d’oiseaux blancs
Yasunari Kawabata
Avec cette histoire de mœurs amoureuses et d’adultère dans le Japon de l’après-guerre, Kawabata signe une œuvre remarquable dans laquelle il parvient à rendre le triste émoi des sentiments destructeurs.
Kikuji est un célibataire presque trentenaire qui a hérité d’un confortable patrimoine après la mort de ses parents. Le roman s’ouvre aux portes du temple Engakuji à Kamakura, sur un trait de comportement qui le caractérise grandement, l’indécision. Kikuji hésite encore à assister à la cérémonie du thé organisée par Kurimoto Chikako, une ancienne maîtresse de son père qui souhaite lui présenter une jeune fille parmi ses élèves. Le titre du roman s’inspire d’ailleurs du motif sembazuru (« mille grues », évoquant un assemblage de cocottes de papier) du carré d’étoffe que porte la belle Mlle Inamura. Mais à cette réunion de thé, assiste également la maîtresse favorite du père de Kikuji, Madame Ota, venue accompagnée de sa fille, la discrète Fumiko.
Entre visites de courtoisie et cérémonies du thé, les relations entre ces personnages vont se tisser aux fibres du passé, des amours perdues et remémorées. L’élégante Madame Ota subira le poids de la culpabilité et de l’émoi retrouvé, Kikuji naviguera aux frontières du legs spirituel et sentimental de son père qui était un passionné de cérémonie du thé et grand collectionneur de ses objets rituels, Fumiko pâlira dans l’amour et la honte de sa mère. Quant à Chikako, de son impertinence manipulatrice et de son audace fielleuse, elle n’aura de cesse de jouer les entremetteuses pour marier Kikuji à la belle Mlle Inamura.
Une rare élégance traverse ce récit ponctué de passages contemplatifs et d’introspections douloureuses, où le personnage de Kikuji se retrouve confronté à un fardeau familial et culturel sous lequel il ne peut que ployer. Des images saisissantes marquent son esprit et celui du lecteur, comme une odieuse tache de naissance sur un sein ou une étrange coloration rougeâtre sur le rebord d’une tasse. La symbolique des objets rituels employés pour le thé joue un rôle déterminant dans la grâce de cette histoire, sa relation à la beauté et au passage du temps.
(Pour celles et ceux qui voudraient avoir un aperçu du motif sembazuru, celui-ci figure sur le furoshiki posé sous le livre. J'imagine que la belle Mlle Inamura en portait un similaire...)
Nuée d'oiseaux blancs : Yasunari Kawabata - 2916266445 - Livres de poche | Cultura
Merci beaucoup pour cet avis @dvall. Le résumé me donne envie, je dois l'avouer. Que signifie sembazuru ? Je suis interpellée.
Sembazuru ou senbazuru est le nom du motif du furoshiki (carré d’étoffe) porté par Mlle Inamura. Littéralement cela signifie « mille grues » et fait référence à une tradition consistant à enfiler mille grues en papier sur un fil pour voir son vœu de santé, d’amour ou de bonheur réalisé. Ces grues en papier font appel à l’art de l’origami que vous connaissez certainement @maelle-cultura et qui consiste à réaliser des formes ou sujets en pliant une feuille de papier selon un agencement plus ou moins complexe. Le motif senbazuru est un motif très classique au Japon. Le carré d’étoffe sur ma photo représente ce motif traditionnel senbazuru.
Merci @dvall pour ces informations. Je viens d'apprendre quelque chose.