Des souris et des hommes, de John Steinbeck, version illustrée par Rébecca Dautremer

[dvall]

La sortie de cette magnifique édition illustrée par Rébecca Dautremer permet de redécouvrir l’intemporel « Des souris et des hommes ». Ce court roman de John Steinbeck (Of Mice and Men) est une pépite brute dont le style rappelle celui d’Hemingway : une langue économe et primitive qui permet de faire jaillir l’essentiel. Le style convient parfaitement à cette histoire tragique s’inscrivant dans le quotidien de pauvres travailleurs journaliers dans l’Amérique de la Grande Dépression. Si l’oralité de Steinbeck est difficilement transposable dans des dialogues en français, la traduction reste convaincante.

George et Lennie, deux hommes qui se connaissent depuis l’enfance et qui sont unis par une amitié indéfectible, arrivent dans une exploitation agricole pour y gagner un peu d’argent. George, pragmatique et bon, prend soin de Lennie, géant benêt et ingénu à la force colossale, et dont la seule obsession est de caresser ce qui est doux. Les deux hommes ont un rêve, celui de posséder un jour un lopin de terre, d’y faire pousser des céréales et d’y élever quelques bêtes, notamment des lapins dont Lennie pourra s’occuper. Sans jamais vouloir le mal, Lennie s’est déjà attiré des ennuis par le passé. Alors George le met en garde. Mais sous le soleil de Californie se prépare un drame inévitable qui enfle à travers les pages jusqu’à éclater comme un pavot. Derrière la tragédie annoncée, ce sont les voix de ces travailleurs qui font la trame de cette histoire. George et Lennie en tête mais aussi des personnages secondaires d’une belle profondeur, de pauvres gars frappés de solitude, d’exclusion, de discrimination, et qui, dans les affres de leur précarité, osent quand même imaginer un avenir meilleur et aveuglant de simplicité.

À travers cette courte histoire, c’est la récession et le rêve américain que Steinbeck dénonce, car il y aura toujours des hommes pour lesquels ce rêve reste inaccessible. Il y a ceux qui possèdent et ceux qui travaillent, ceux qui sont respectables et ceux qui sont différents. Ce texte n’a rien perdu de sa force ni de sa lucidité. Les illustrations de Rébecca Dautremer ont un pouvoir évocateur qui magnifie le roman de Steinbeck. Elles alternent entre poésie et chimères, humour et gravité, composant un tout d’un bel équilibre à la fois contemplatif et introspectif.

Découvrez le roman sur Cultura.com

[soff78]

Bonjour @dvall 

Votre post a fait remonter tout un tas de souvenirs de lycée. J'ai dû lire un maximun de romans de Steinbeck à cette époque-là. Cette version illustrée a l'air sublime et peut aider à se faire une meilleure idée du contexte économique pendant lequel se passe l'action. Autant j'avais les images du film avec James Dean pour "A l'est d'Eden", autant je n'avais guère de point de repère pour "Des souris et des hommes". Ces illustrations m'auraient sûrement permis de mieux apprécier encore ce roman devenu culte.

[dvall]

Bonjour @soff78, moi je crois que c'est au collège que nous avions étudié quelques passages de ce classique, mais je n'ai lu le roman en entier que bien plus tard. Les illustrations permettent vraiment de se plonger dans cet univers de manière différente, notamment parce qu'à travers ses dessins, Rébecca Dautremer apporte une dimension introspective aux personnages. Elle met en images leurs rêves, leurs peurs, leurs idées non formulées. Cette dimension n'existe pas dans le texte de Steinbeck, qui se focalise sur les actes tangibles et les dialogues. C'est un style très proche de celui d'Hemingway. Si vous souhaitez découvrir une autre interprétation visuelle de cette œuvre, alors je vous conseille l'adaptation cinématographique de Gary Sinise, qui interprète lui-même George. Le grand Lennie est incarné par John Malkovich. Sacré Malkovich abonné aux rôles de colosse étrange, puisque c'est aussi lui qui a prêté ses traits à Abel Tiffauges, "l'ogre de Kaltenborn" dans le Roi des Aulnes !

Et pour retrouver ma critique de cet autre classique :

Le Roi des Aulnes de Michel Tournier - Cultura

[spitfire89]

@dvall , une belle histoire de courage et d'amitié  malgré une fin triste.  J'ai découvert son adaptation ciné cette années avec Gary sinise qui joue et réalise le film de 1992. 

Après cette ouvrage. Je connais seulement les raisins de la colère de John Steinbeck.  J'ai bien souvent hésité à lire ces livres autres en liens avec la seconde guerre mondiale et le Vietnam 

[dvall]

Merci pour votre commentaire, @spitfire89. Un très beau film en effet, que je reverrais avec plaisir. Les "Raisins de la colère", je dois l'avoir lu mais il y a très longtemps. Je devais être trop jeune pour en avoir gardé un souvenir précis, mais il faudrait que je le relise donc, car il est souvent cité comme l'un des 10 meilleurs romans américains du XXème siècle. Cependant, "Des souris et des hommes" et les "Raisins de la colère" ne parlent pas de la guerre. Ces histoires se situent avant ça, dans les années 30 durant la Grande Dépression américaine. Ces romans n'en sont pas moins très durs car ils parlent des inégalités sociales et de l'exploitation des travailleurs. N'hésitez pas à lire "Des souris et des hommes" et pourquoi pas dans sa version illustrée ! Votre plaisir en sera doublé.

[spitfire89]

@dvall  vous ne m'avez pas bien compris, les livres sur la seconde guerre et du vietnam sont les titres suivants :

• Bombes larguées: Histoire d'un équipage de bombardier
• Il était une fois une guerre (articles de guerre de Steinbeck)
• Steinbeck au Vietnam: dépêches de la guerre

[dvall]

En effet, je n'avais pas saisi ! Merci pour ces références, @spitfire89. Je n'ai jamais rien lu de Steinbeck sur cette période et je ne connaissais pas même ces titres. J'irai donc les découvrir. Encore merci pour ces précisions.