Komodo de David Vann

‎10-08-2021 09:37

Komodo de David Vann

 

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A découvrir sur Cultura.com

 

Décidément, dans la famille de Tracy, toutes les relations s’avèrent toxiques. Pourtant le roman commence par un formidable stage de plongée autour de l’Île Komodo, auquel un frère convie sa mère et sa sœur, dans une tentative de réconciliation. Le lieu est idyllique et la réserve marine autour de ce paradis indonésien situé entre l’Océan Pacifique et l’Océan indien, regorge de toutes les espèces de poissons, dans une explosion de couleurs et de formes.

 

Mais Tracy en veut tellement à son frère d’avoir divorcé, en rompant un pacte qu’elle croyait sacré, que leurs rapports sont instantanément explosifs. Et la mère, en prenant toujours le parti de son fils aîné, n’arrange rien aux choses. Ce séjour de rêve se transforme vite en calvaire et personne n’en sortira indemne.

 

Il faut dire que la vie personnelle de Tracy n’est déjà pas un modèle d’équilibre. A 40 ans, elle renonce à son emploi de biologiste pour élever deux jumeaux, au détriment de sa propre existence. Cinq ans après, face à un mari démissionnaire et absent, elle développe une quantité de griefs envers son propre noyau familial, auxquels s’ajoutent ceux qu’elle avait déjà pour son frère et sa mère.

 

Ce roman en deux parties, l’une à Komodo, l’autre en Californie, est une réflexion crue et sans concession sur la maternité, l’éducation et plus généralement, sur la famille.

 

Avec sa grande capacité à faire émerger les aspects les plus intimes de ses personnages, David Vann nous dépeint la vie de cette mère de famille qui, en passant du statut de femme à celui de mère, s’est sentie devenir insignifiante. Son incapacité à faire passer la raison avant l’inquiétude, la réflexion avant l’instinct, l’amène à s’effacer devant la tyrannie de ses fils et à subir la lâcheté de son conjoint.  Plus rien ne lui procure la moindre satisfaction.

 

Les personnages de David Vann sont toujours d’une grande noirceur mais ils sont surtout dérangeants car ils font émerger en nous des sentiments que l’on s’efforce souvent de taire. En creusant l’âme humaine, il réveille l’inconscient en chacun de nous et nous fait sortir du statut de simples spectateurs du roman.

Viscéral, troublant mais magistral comme toujours.

5 Réponses 5
‎05-08-2021 16:55

Re: Komodo de David Vann

Merci pour votre coup de cœur @IsaPouteau  je ne connaissais pas du tout David Vann, mais votre résumé me fait bien envie surtout vue les thèmes abordés ! 

‎06-08-2021 08:46

Re: Komodo de David Vann

@Camille_33 Les romans de David Vann sont souvent très sombres mais quand on aime on ne peut plus s'en passer. @dvall a écrit plusieurs chroniques qui sont très intéressantes. Je vous conseille Sukkwan Island et Goat Mountain mes préférés.

‎06-08-2021 10:24

Re: Komodo de David Vann

Décidemment @dvall aimons le même type de littérature ! Je vais aller farfouiller pour trouver ses chroniques sur les autres titres. Et merci pour les autres recommandations @IsaPouteau, Sukkwan Island est celui qui me tente le plus je pense et j'ai remarqué hier en faisant des recherches qu'il avait gagné le prix Médicis étranger ! 

‎06-08-2021 10:51

Re: Komodo de David Vann

Bonjour à toutes les deux, @Camille_33 et @IsaPouteau. Effectivement, nous partageons certains goûts littéraires. J’ai découvert David Vann avec « Sukkwan Island » et ai lu ensuite de cet auteur « Goat Mountain », « Impurs », et « L’Obscure clarté de l’air ». J’ai tous ses romans et le prochain que je lirai sera certainement « Dernier jour sur Terre ». Comme je le disais dans un précédent commentaire, le style de David Vann n’est sans doute pas pour tout le monde, car il explore des territoires de la psychologie qui sont terriblement sombres et parfois même glauques. Ses romans bousculent ou mettent mal à l’aise, dissèquent les dysfonctionnements familiaux et individuels à la manière d’un scalpel profanateur. La grande majorité des romans de David Vann s’inspirent de sa vie et de sa famille, se construisent comme une réalité alternative de sa propre existence, explorant empreintes psychologiques, obsessions destructrices et blessures narcissiques. Personnellement, je trouve ça très intéressant, et le fait que la nature et les grands espaces jouent un rôle important dans ses constructions narratives contribue à me faire aimer l’ambiance de ses histoires.

Le style d’écriture de David Vann s’est grandement personnalisé au fil du temps. S’il ne m’avait pas marqué significativement dans « Sukkwan Island », en revanche je l’ai trouvé plus fort et personnel dans « Goat Mountain » et surtout « L’Obscure clarté de l’air ». Son style est devenu plus incisif, coutumier d’une déstructuration syntaxique avec des phrases souvent jetées en pâture sans aucun verbe. Cela contribue à une sorte d’effet impressionniste et brutal. On peut ne pas apprécier cette distinction formelle, surtout lorsqu’elle se répète de façon insistante, mais cela rend son style désormais très reconnaissable je trouve.

Nous attendons désormais votre retour de lecture, @Camille_33 ! Et oui, « Sukkwan Island » a obtenu le prix Médicis étranger et il faut ajouter que David Vann doit une grande part de son succès au travail incroyable des libraires français ! Son premier roman est passé très longtemps inaperçu et ses débuts dans l’édition ont été laborieux… Les agents américains ne voulaient pas défendre son travail auprès des éditeurs, car ils le trouvaient trop sombre et dur.

Bonne journée et à bientôt pour d’autres partages !

‎06-08-2021 11:31

Re: Komodo de David Vann

Merci beaucoup pour toutes ces informations @dvall je suis hyper emballée ! Rien que le fait qu'il s'inspire de sa vie pour écrire de la fiction + les termes "exploration psychologiques" et dissection des "dysfonctionnements familiaux et individuels", c'est jackpot pour moi ! Ma littérature préférée est toujours celle qui va révéler la nature humaine et chercher à la comprendre, qu'importe le genre utilisé.
Après c'est sûr qu'il faut s'accrocher et parfois ce n'est pas le bon moment de commencer de tels récits. (Je peux comprendre le point de vue des américains là-dessus, en France il est vrai qu'on aime le glauque et le malsain dans la littérature blanche).
Une très belle journée à vous deux en tout cas ! 

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