Pour la première fois, je vais faire comme, hélas, beaucoup de critiques littéraires : parler d’un livre que je n’ai pas lu. Non par escroquerie ou par fainéantise, mais parce que je retarde autant que possible le moment où je vais m’y plonger. Car, à partir de cet instant fatidique, je sais que la fin sera proche, et cela me désespère déjà !
Le livre en question est un roman. Un polar, écrit par, selon moi, l’un des plus grands maîtres du genre : Henning Mankell. Il s’intitule
L’Homme inquiet, et porte ce terrible sous-titre, origine de mon désespoir futur, « La dernière enquête de Wallander ». J’ai mis du temps à l’acheter, pour ne pas être tenté de le commencer. Maintenant qu’il est sur ma table de nuit, je ne sais si je vais réussir à tenir encore avant de le dévorer.
Chez Mankell, comme chez tous les grands auteurs de polar, l’enquête policière et le genre choisi ne sont qu’un canevas, un cadre pour aborder des thèmes plus larges et interroger en profondeur le monde dans lequel nous vivons. La violence et le crime, bien sûr, mais également les rapports humains, professionnels, amoureux, familiaux, ainsi que la géopolitique, notamment celle de cette partie de l’Europe à la croisée du Nord et de l’ancien bloc de l’Est, sans oublier l’Afrique, l’autre grande passion d’Henning Mankell, qui partage sa vie entre la Suède et le Mozambique. La psychologie des personnages est, chez lui, aussi importante que l’intrigue policière. Formidablement fouillée, diablement humaine. Mais le plus impressionnant, dans sa série consacrée au commissaire Kurt Wallander comme dans ses romans africains, c’est l’épaisseur du réel, presque sa saturation, dans le récit et la narration. La densité est telle que, une fois plongé dans l’une de ses histoires, la fiction devient plus tangible que la réalité elle-même. Livre après livre, Henning Mankell construit un monde aux allures de cathédrale crépusculaire. Un univers. Le propre des grands écrivains.
En cette période de fêtes, je ne saurais que trop vous recommander d’offrir l’un de ses livres, d’autant que l’on peut les lire aussi bien dans l’ordre que dans le désordre. Les lire dans le désordre est mieux, car on peut ensuite les relire dans l’ordre, ce qui double le plaisir de lecture. C’est d’ailleurs ce que je vais faire, pour que cette « dernière enquête de Wallander » ne soit pas vraiment la dernière.
Harold Cobert
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