Elle se souvenait vaguement comment sa mère s’était laissée peu à peu gagner par la maladie. Elle savait aussi que son père, robuste et vigoureux, dont elle avait été si admirative enfant, s’était fait un devoir de tout organiser pour lui donner une éducation distinguée. L’essentiel de sa vie de fillette avait été consacré à éviter de le décevoir. A Londres, une gouvernante lui avait appris les bonnes manières : ne pas froncer les sourcils quand elle se concentre, se tenir droite en marchant, ne pas passer trop de temps à rêvasser, ne pas avoir une voix trop perçante… Elle savait entreprendre des correspondances, soigner des arrangements floraux, broder des points de croix et peindre des aquarelles. Ces préceptes ménageaient son sang irlandais et tenaient ses taches de rousseur à distance du moindre rayon de soleil. Alors, pourquoi ce cousin par alliance que son père semblait tant affectionner, ce fils d’ouvrier de Manchester devenu Dr Matthews, citant Darwin à tout propos et fin joueur d’échec, la fascinait sans lui inspirer véritablement confiance ? Sa froideur et son élégance maniaque avaient distillé en elle depuis des années une indescriptible retenue. Fallait-il qu’elle soit démunie et endettée pour se résoudre à l’accepter comme mari et le rejoindre jusqu’au Cap, en Afrique du Sud ! Mais sur la route, ou plus exactement sur le trajet en bateau, en pleine tempête, son cœur rencontre William. Et sa résignation de fille bien éduquée va peu à peu céder avec délice aux tourments du romantisme… Retrouvez ce livre sur Cultura.com La route du Cap – Jennifer McVeigh - Editions des Deux Terres