« Les Jardins statuaires » est le premier opus du Cycle des contrées de Jacques Abeille, œuvre romanesque ambitieuse et inclassable débutée dans les années 70. Dans ce premier tome, qui peut se lire indépendamment de ses suites, nous suivons les pas d’un narrateur, mystérieux voyageur dont nous ignorons tout. Seules ses paroles, ses décisions et ses actes nous permettront de mieux connaître cet homme tout à la fois curieux du monde qui l’entoure, respectueux des différences d’autrui et épris de justice.
Le style de Jacques Abeille est parfaitement maîtrisé. Ses phrases sont belles et précisément ciselées, et même si sa plume peut paraître surannée voire un peu précieuse, elle s’adapte merveilleusement à ce monde imaginaire à l’époque incertaine mais reculée. Quelques références semées ici et là permettent de reconnaître notre monde où un soupçon de fantastique fait irruption. Notre voyageur arrive ainsi dans un étrange pays où la société est organisée en domaines clos et où les hommes, appelés jardiniers, entretiennent avec déférence des statues qui sortent de terre et poussent jusqu’à prendre forme. Rapidement, le narrateur se passionne pour ces statues et la société qui s’est construite autour de leur culture. Il est fasciné par les livres écrits pour transmettre la mémoire d’ancêtres dont les traits se sont retrouvés modelés dans la pierre. Il décide alors de documenter son exploration des domaines en écrivant un livre à son tour. Aidé d’un guide et du tenancier de l’hôtel où il réside au début de son périple, le voyageur va bientôt découvrir cette société dans ses moindres détails, l’étudier à la manière d’un ethnologue, entrevoir ses zones d’ombre et ses déficiences, notamment la dure condition imposée aux femmes ainsi que la menace barbare qui rôde au nord.
Récit surréaliste, conte philosophique, fable allégorique ou roman d’aventure, ce livre n’a de cesse de fondre les styles et de varier les rythmes. « L’œuvre d’un fou », crut avoir écrit Jacques Abeille ? Non, plutôt celle d’un visionnaire…
Oui @MAPATOU, une lecture surprenante à la prose remarquable. Il est étonnant que cet auteur ne soit pas davantage connu. La profondeur philosophique de ce récit est intéressante, tout comme sa dimension sociologique, et pourtant le livre se lit comme un roman d'aventure.