Les Oxenberg et les Bernstein

‎07-12-2020 12:10

Les Oxenberg et les Bernstein

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Les Oxenberg et les Bernstein ⭐️⭐️⭐️⭐️⭐️

 

 Catalin Mihuleac

 

Parfois, en littérature, le ton est donné dès les premières lignes. Mais la règle n’est pas universelle. Ne pas se fier au ton léger et à l’humour juif new-yorkais pratiqué par la narratrice lorsqu’elle dresse un bilan de sa situation présente. Cet humour-là cache bien des blessures profondes.

 

Suzy Bernstein vit à New-york et travaille  dans l’entreprise familiale dont la vocation est le commerce des fripes, collectées grâce à la générosité des américains qui achètent beaucoup, donc jettent beaucoup, et destinées à faire le bonheur d’acheteurs en Europe ou ou Japon, et d’autant plus recherchées qu’elles sont proposées avec une « histoire ».

Suzy est la belle-fille, la pièce rapportée, et personne dans son entourage proche n’est curieux de connaître son histoire familiale. La Roumanie, ça se range dans la poche avec un mouchoir par dessus. Et on s’accommode de la vie de couple à l’américaine et des relations plutôt fraîches avec belle-maman.

 

Ça, c’est la story Bernstein. Les Oxenberg sont en Roumanie, juste avant qu’un oiseau de malheur, végétarien pétomane à petites moustaches, n’étende ses ailes sur une grande partie de l’Europe. Bonne élève, la Roumanie non seulement n’est pas en reste pour mettre en pratique les élucubrations mortifères du nabot mégalo, mais elle précède parfois les consignes : ainsi les juifs roumains ont été parmi les premiers à vivre l’enfer pour être assassinés sur place s’ils n’étaient pas entassés dans les wagons de la mort. 

 

Quand les deux familles se retrouveront-elles ? Quel est le point de jonction entre les deux histoires ? C’est la question mystère  qui donne encore un peu plus de piquant à la narration.

 

On admire la virtuosité de la prose (et donc de la traduction) la capacité de mêler légèreté et drame, avec un crescendo terrible, qui malgré l’abondance du thème en littérature ne peut manquer de bousculer le lecteur, dans un récit qui prend aux tripes. 

 

C’est aussi une prouesse d’associer dans le même roman une bonne dose de critique de la société de consommation, de la malbouffe à la boulimie d’acquisitions d’objet, et l’évocation de cette part [modéré] de notre histoire contemporaine que fut la Shoah.

 

Une lecture coup de poing , qui devrait laisser des traces.

 

 

 Citations

 

Joe est le seul dans cette famille à ne pas se teindre les cheveux. Il  semble jamais se départir d'un doux sourire, qui traverse comme il peut la broussaille de sa moustache blanche de jeune premier à la retraite. Ses lunettes à monture épaisse s'allient  au nez en une équipe de choc. Il gère aussi deux grandes oreilles comme deux enveloppes qu'il ne se décide pas à poster. L'une des oreilles n'a qu'une valeur ornementale.
 
*
 
Leur poids social vient de leur poids économique. Et celui-ci s'inspire des chiffres communiqués par la balance. Ils sont des sources de profit. Il est plus rentable d'élever les differently sized  persons que d'élever des visons, comme le faisait papa, pour ne pas nous entendre bêler de faim. Les rondouillets font preuve d'un appétit spécial pour la malbouffe. À condition qu'elle soit abondante. Qu'elle remplisse leur estomac plus spacieux qu'un coffre de mini Cooper. Leur eau bénite, c'est le soda acidulé, leur air,  de la fumée de cigarette, leur sainte communion, le médicament. Ils se baladent avec leur sac de cachets. 
 
*
 
Pour ouvrir une boutique de nos jours, tu dois connaître par cœur les histoires d'antioxydants. Les histoires d'antioxydants se vendent bien. Le vin rouge, le thé roïbos,  les condiments, n'importe quoi. Quand le client passe le seuil de ta porte tu dois lui glisser à l'oreille : « Nous avons un très bon produit, riche en antioxydants, spécialement pour vous.
 
*
 
Les violoniste sont un peuple d'aériens égoïstes. Les artistes, en général, sont pétris d'une pâte déplorable. Erich était violoniste. Un Arien aérien, d'autant plus égoïste.
 
*
 
Chères veuves du monde entier, tendez bien l'oreille ! Allez au cinéma, au café, au club, à la salle de fitness ! Faites du shopping, testez une nouvelle eau de toilette. N'importe où, mais pas au cimetière, quel que soit votre âge, essayez de faire de nouvelles rencontres ! Trouvez-vous un boyfriend avec des abdos en tablettes de chocolat et lancez vous dans une romance ! Si la libido s'essouffle, abonnez-vous à la revue Playgirl ! Ça aide. Documentez-vous sur les nouvelles positions ! Les visites au sex-shop sont obligatoires.
 
2 Réponses 2
‎05-12-2020 13:09

Re: Les Oxenberg et les Bernstein

@Kittiwake merci pour cette découverte car je n'en avais pas du tout entendu parler. 

 

Si vous appréciez l'humour juif new-yorkais, je vous recommande les romans de Jonathan Tropper et en particulier "C'est ici que l'on se quitte" qui m'a fait pleurer de rire alors qu'il s'agit d'un enterrement.

 

C'est ici que l'on se quitte par Tropper

‎05-12-2020 16:01

Re: Les Oxenberg et les Bernstein

J’avais bien aimé Le Livre de Joe , donc merci pour cette suggestion !

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