Bunker, de Camille Poulie

[dvall]

Bunker

Camille Poulie

 Voici un album qui bouscule, qui se moque de faire l’unanimité, et qui ne la fera pas, assurément. La première de couverture est particulièrement attirante : bicyclette abandonnée parmi les herbes folles, obscure masse noire d’un ancien bunker sur le dos duquel trois jeunes regardent la clarté naissante ou mourante de l’horizon sous un ciel sombre. Mais le style graphique de cette BD est tout autre, planches en noir et blanc, alternance de hachurés nerveux et de vignettes plus sobres aux traits à peine esquissés, faces déformées parfois à peine reconnaissables, mais silhouettes vivantes, spasmodiques, qui éructent leur mal-être par le verbe et le geste.

Jessica est une adolescente picarde qui porte cheveux courts, jogging et casquette, qui pisse, jure et crache comme un garçon. Elle aime la mécanique, les motos, joue au foot avec les mecs, passe du temps en cet été du milieu des années 2000 avec deux garçons plus jeunes qu’elle en vacances chez leur pépé. Les cousins se nomment Antoine et Bozo, ils admirent cette fille pas comme les autres et qui en sait des choses, qui les accepte dans ce bunker où les jeunes du coin viennent parfois baiser en cachette. Antoine connaît ses premiers émois, s’interroge sur la taille de son [modéré], compense ses faiblesses comme il peut. Bozo s’immerge dans ses « livres-dont-vous-êtes-le-héros », s’imagine des hordes de spectres et de morts-vivants à combattre. Ils sont conditionnés par leur milieu, en mal d’identité, en proie au jugement des autres, dévorés par l’oisiveté ou les désirs inassouvis. Les liens sociaux s’ajustent, frictionnent, les relations de dominance s’expriment, les bassesses blessent et la vie continue.

Chronique sociale d’un été sur la côte d’Opale, « Bunker » détonne par son style anarchique, déconstruit, parfois même repoussant, mais diablement efficace dans l’installation d’une ambiance glauque et étrange. C’est cru, vulgaire, mais criant de naturel. Certaines vignettes soignées dans le détail sont comme d’infimes instants de grâce dans le cloaque étouffant. Alors on se demande ce qui se cache dans la tête de Jessica, quels sont ses rêves, ses envies. Et l’auteur nous laisse imaginer…

Bunker : Camille Poulie | Cultura

[dvall]

[Katili]

Merci @dvall pour ces images .

Un roman graphique qui mérite toute mon attention. 

[dvall]

Impatient de découvrir votre avis sur ce roman graphique qui ne peut laisser insensible, @Katili. Je me demande dans quel sens votre cœur penchera car j’ai lu des réactions de rejet quasi-viscéral au sujet de cette BD, tant sur la forme que sur le fond. 

[kryan]

@dvall bonjour, alors oui j'en avais déjà entendu parler ! Merci pour ce retour.

[clo73]

@dvall @kryan @Katili 

J'ai D E T E S T É cet ouvrage que j'ai lu il y a quelques mois.

Je l'ai reçu suite à une masse critique proposée par Babelio. 

C'est tout ce que je n'aime pas. Aucun point positif, aucun intérêt. Ce n'est bien sur que mon humble avis. 

L'histoire ne m'a nullement intéressée. Je n'ai pas trouvé cette BD réaliste du tout. J'aime penser que les jeunes sont un peu plus "évolués" ou "intelligents enfin je l'espère. 

En toute franchise, j'ai trouvé cette BD vulgaire, grossière comme les illustrations et le texte. 

Elle m'a même fortement énervée en la refermant. 

[dvall]

J’avais vu ton retour sur Babelio, @clo73. Tu n’es d’ailleurs pas la seule à avoir manifesté une telle réaction vis-à-vis de cette BD. C’est parfaitement compréhensible. Ce n’est clairement pas mon style non plus, d’un point de vue graphique, mais malheureusement j’ai trouvé que c’était plutôt représentatif d’une certaine jeunesse défavorisée et désabusée, engluée dans une forme de médiocrité corrosive. Les personnages peuvent paraître caricaturaux à certains, mais je suis convaincu qu’ils sont représentatifs d’une frange de population très marginale. Avais-tu lu « Leurs enfants après eux » de Nicolas Mathieu (Goncourt 2018) ?

[clo73]

@dvall Oui j'ai lu Les enfants après eux qui ne m'a pas séduite complétement. Mais j'ai toujours eu dû mal à penser que les jeunes pouvaient se comporter ainsi....Je suis d'une nature naïve ou optimiste ou aveugle sur la jeunesse actuelle.  Cela dit, j'ai trois ados et je trouve cela très réducteur de les assimiler à ce genre de comportements.

J'ai lu un roman, Les derniers des branleurs, d'un auteur que j'aime beaucoup et qui décrivait des adolescents en classe de terminal qui étaient intéressés que par le sexe, les jeux vidéo, la drogue et l'alcool. J'étais vraiment agacée par cette description et cette image qu'on véhicule sur les futures générations.

Mais je conçois que cela peut être vrai pour des personnes en rupture sociale/ familiale ou peu d'éducation par exemple. 

[dvall]

Il est douloureux d’imaginer que certains jeunes correspondent effectivement à cette image réductrice de la jeunesse, @clo73 , mais ce n’est qu’une petite partie de ce que les jeunes d’aujourd’hui peuvent être. Quand on est aliéné par sa condition, son environnement, l’absence de repère, de formation adaptée ou d’espoir en l’avenir, rarement les miracles se produisent… Donc pour revenir à Bunker, je l’ai trouvé très réaliste vis-à-vis d’une certaine frange de population mais évidemment pas représentatif de la jeunesse d’aujourd’hui. Et heureusement !

[clo73]

@dvall 👍😊