Angkor, j'adore

Nous ne sommes pas une famille de grands voyageurs. Bien sûr, nos ancêtres ont quelque peu migré au fil des siècles. Et j’avais enfant l’habitude, avec mes parents, de visiter chaque année une de nos belles régions françaises ; chaque année une différente. Sur une jeunesse entière, ça en fait pas mal. Plus tard, il m’est aussi arrivé à de rares occasion de partir par les airs vers de plus lointaines contrées. Toutefois, ces voyages restaient dans une certaine zone de confort : si les paysages changeaint, les cultures rencontrées restaient assez proches de celle dans laquelle nous baignions tout au long de l’année. Mais sans rien enlever à ces expériences riches et variées, il en est une qui allait les surpasser toutes, et qui allait nous mener dans un tout autre monde.

 

Mais avant d’entamer notre voyage, il faut commencer par celui d’un autre : Mat, mon cousin préféré. Petits, nous passions nos vacances ensemble, chez l’un ou chez l’autre, alternativement. C’était déjà un aventurier, prêt à partir à l’inconnu sans équipement ni aide. Et l’inconnu, lorsqu’on a 10 ans, c’est grand. Il avait débuté sa vie professionnelle à Paris, comme beaucoup. Mais comme beaucoup aussi, la ville allait devenir un peu trop encombrante. Le rythme de la capitale, l’insatisfaction d’un boulot certes pas inintéressant mais un peu trop prenant et pas trop bien payé, le stress de la fourmilière avaient fini par le lasser. Sur un coup de tête, il lâche tout et s’envole pour un long voyage vers l’Asie. En 2008, après avoir un peu bourlingué dans la région, il atterrit au Cambodge. Saisi par la beauté des paysage, la tranquillité de la vie et la gentillesse des habitants, il décide de s’y installer. Douze ans plus tard, il y est encore, enrichi d’une tendre épouse khmère et d’une joyeuse fillette adorablement métisse.

 

Été 2014, Mat est de passage en France. Deux ou trois semaines, mais un peu de temps pour nous. Nous discutons de nos vies. De la sienne surtout. Et son enthousiasme est communicatif. Nous partirons l’an prochain. En avril. Avec nos enfants de 7 et 10 ans. Les planètes sont bien alignées : les enfants sont encore en primaire et ne manqueront qu’une semaine de cours avant les vacances (négociée avec les enseignants contre des articles quotidiens sur un blog créé pour l’occasion), l’économie de la famille est au beau fixe, et nous avons assez de congés pour partir. Huit mois. Juste le temps de préparer notre périple dans un pays dont nous ne savons presque rien. Mais nous avons des guides sur place, et ça change tout.

 

8 avril 2015. Bordeaux. Roissy. Ho-Chi-Minh-Ville. Siem Réap. UTC+7. Deux jours de voyage, dont 16 heures dans l’avion. 5 heures de décalage seulement. Et c’est parti pour trois semaines de bus, de tuk-tuk et de marche. Sous 41°C. C’est la fin de la saison sèche. Le moment où, avant les premiers orages, le temps est le plus sec et le plus chaud. Étonnamment, ce n’est pas si mal : la sueur sèche sans avoir le temps de gêner. Moins de moustiques. Moins de touristes aussi.

 

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Malraux a beaucoup décrit le Cambodge de son époque. Ses vieilles pierres ont parfois été pillées (ainsi que les essences rares de sa forêt), mais beaucoup été remises en ordre pour le grand plaisir des visiteurs. Le pays foisonne de temples, souvent en cours de rénovation, témoins d’une période vieille d’un millénaire (plus ou moins deux ou trois siècles) dont on comprend encore mal la fin. Profondément bouddhiste, les pagodes sont là-bas comme nos églises. Avec un peu plus de fréquentation semble-t-il. Cet entremêlement d’hindouisme et de bouddhisme exhale un doux parfum de mysticisme, absorbé tout cru par nos sens exacerbés par l’envie de tout prendre de ces découvertes, de les graver au plus profond de nous.

 

Imaginez combien un voyage tel que celui-ci a pu être source de souvenirs. Nous les avons tous noté, et (presque) tous partagés avec nos poches et nos amis. Les moments relatés ici sont volontairement parmi les plus personnels. Ils ne concernent pas forcément les lieux ou aspects les mieux connus du Cambodge, mais ce sont ceux qui reviennent le plus souvent dans nos conversations, 5 ans plus tard.

 

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Notre voyage tombant pile poil sur la période du nouvel an khmer, nous avons eu le bonheur de participer avec la population locale à la plupart des activités festives organisées pour l’occasion : batailles de bombes d’eau, combats de bokator (une sorte de boxe thaï locale), prières à la pagode avec encens et bénédictions (un véritable arrosage ; le goupillon de nos prêtres catholiques passeraient pour de pauvres brumisateurs), sorties en ville pour écouter de la musique, et pour ceux qui le peuvent pèlerinage au mont Kulen. Mais comme cette période est également propice aux congés, de nombreux khmers prennent quelques jours au bord de la mer, sur le golfe de Thaïlande, près de la ville de Kep. Tant qu’à pousser le mimétisme jusqu’au bout…

 

Un peu au sud de Kep, pas très loin de plantation de poivre de Kampot (sans doute un des meilleurs du monde) et pratiquement à la frontière vietnamienne, le district de Kampong Trach est connu pour ses nombreuses grottes. Celle qui nous visitons abrite de nombreux recoins qu’il faut avoir la curiosité de chercher. Certains nécessitent une petite escalade, d’autres de ramper un peu, parfois les deux. Mais les efforts sont toujours récompensés, soit par un petit temple ou une simple statue de Bouddha, soit par des formes curieuses sur les roches (serpents et lapins par exemple). Une bonne heure d’exploration dans la joie et la bonne humeur. En cas de besoin (et souvent même sans véritable besoin), des petits guides facétieux attendent les touristes pour les aider dans leur exploration. Ces jeunes personnages sont étonnants : ils connaissent, dans quelques langues parmi les plus usitées par les visiteurs, le vocabulaire essentiel à cette assistance. Généralement, le message est également confirmé en anglais, pour s’assurer d’une parfaite compréhension. Il est assez limité, mais suffisant, en quelques mots seulement : « Attention la tête ! ». Régulièrement encore, lorsque nous rencontrons par un passage un peu bas, nous nous amusons à nous apostropher d’un énergique « Attention la tête ! mind your head ! ».

 

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C’est confirmé, ma fille est une star. Nous lui avions bien reconnu, lors de ses premières années, un certain talent pour la comédie, mais nous ne pensions pas qu’un jour elle obtiendrait un tel succès. Tout a commencé assez vite après notre arrivé, dès les premières visites. Nous étions au pied du temple central d’Angkor, tôt à l’ouverture du site pour profiter d’un peu de fraîcheur, lorsqu’une visiteuse indienne s’est approchée de notre fille. Elle commença par la dévisager avec un intérêt discret, puis s’étonna de ses jolis yeux bleus, s’extasia ensuite sur ses longs cils naturels, et pour terminer s’affola de sa longue chevelure, d’un beau châtain clair, à l’époque presque blond. En un rien de temps, nous avions à notre suite une véritable meute de dames qui, l’une criant de surprise, l’autre caressant là un bras, là un brin de cheveux, prenait en vénération notre admirable joyau. Et cette scène allait se répéter tout au long de notre voyage. Remise des cette première expérience déroutante, notre demoiselle fini par y prendre goût au point d’en jouer un peu. Nous avions en nos rangs une authentique déesse, autant en profiter !

 

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Cette réalité allait être confirmée un peu plus tard à Siem Réap, la ville jouxtant Angkor, dans une pagode ou œuvrait un voyant. Le jeu consistait à poser sur sa propre tête un livre relié de feuilles de palmier manuscrites, et de placer au hasard un stylet entre deux page pour découvrir une prédiction pour notre avenir. Notre fils hérita d’une bonne prédiction, mais aussi d’une mise en garde. Mon épouse et moi eurent le bonheur de tomber exactement sur la même page. Une prédiction correcte, mais surtout identique, ce qui en soi est un excellent présage. Mais notre fille tira le gros lot, la meilleure de toutes les pages : « vous obtiendrez toujours tout ce que vous désirez. ». Une prédiction bien souvent confirmée depuis.

 

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La cuisine khmer est excellente. Si vous avez l’occasion de croiser un restaurant spécialisé, vous pourrez sans doute vous délecter d’un bœuf Lok Lak, d’un Amok ou d’une soupe Tom Yum. Mais certains mets pourtant assez courants sur les marchés Cambodgiens sont plutôt difficiles à trouver chez nous. Les énormes crevettes bleues du Mékong, par exemple, mais également le durian, un fruit à l’odeur abominable mais très prisé des connaisseurs, les fruits de mer cuits au soleil sur des plaques métalliques (et absolument déconseillées aux touristes pour des raisons évidentes de sécurité sanitaire), et surtout toutes sortes d’insectes : cafards, blattes, vers à soie grillés (un petit goût de noisette, excellent pour l’apéro), et pas mal d’autres spécimens plus ou moins faciles à identifier.

 

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Près de Kampong Cham (la troisième ville du Cambodge), le village de Skuon est réputé pour son marché unique en son genre, le seul de tout le pays à proposer de belles et gourmandes mygales. Vous avez le choix : cuites – ou plutôt frites – ou crues. Très crues mêmes : carrément vivantes. Si l’expérience vous tente, vous pourrez les admirer de très près, grimpant de votre main (dont elles font, adultes, la taille) à votre épaule, sous les yeux répugnés et les cris de dégoût des moins courageux. C’est impressionnant, mais attention : sans danger ! Car les adorables arachnides sont préalablement privées de leur venin. Et pour les plus hardis des gourmets, il parait que ça a un petit goût poivré.

 

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D’autres souvenirs de paysages, d’archéologie, de mythologie et de rencontres sont encore bien présents en nous. Plus que ces quelques passages, c’est le voyage dans son entièreté qui restera notre meilleur souvenir de vacances. Pour le dépaysement, pour le choc culturel, mais aussi et surtout parce que nous l’avons partagé en famille, avec nos enfants, et avec nos cousins khmers ; c’est le cœur plein de gratitude envers eux que nous nous remémorons ces moments.

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