Le D de Septembre

Dans la nuit étouffante de l’été, une jeune fille s’avance sous les étoiles. Son corps presque dénudé se glisse sous la surface d’une eau apaisante, aux couleurs polluées du ciel. Elle se laisse étendre à la surface afin de se laisser aller à une prière peu commune. Corps et esprit délivré, il n’y a plus que la parole à libérer. Plus tard, elle ne saura dire si une soudaine fantaisie l’a prise ou si ses mots étaient le signe réfléchi d’une parole intérieure sincère.

 

« Septembre au front grisant, dis-moi quel sera mon prochain tourment ? Entre la fraicheur de tes matins et la brûlure de tes après-midis ordinaires, je sais que tu cacheras toi aussi, un Jour D. »

 

Sa voix tremblote, à l’instar des remous de l’eau. Elle poursuit entre fureur et désespoir.   

 

 « Ne sois pas cruel…ne sois pas cruel envers celle qui t’a attendu, chaque été durant, le cartable déjà rempli et la tenue de rentrée choisie. Toi, le mois sage, l’espoir du savoir, qui m’a offert trois rentrées merveilleuses, que me réserves-tu ? Face à moi, entre nous, je ne vois que le brouillard. Non. C’est le vide ! C’est le vide vers lequel Août me pousse ! Et il n’est pas seul. Mai, Juin, Juillet et leur jour D me forcent à continuer sans savoir où je vais. Mai ne me regarde même pas. Sa tête est encore à l’université que nous avons quittée, peut-être s’est-il oublié près de la machine à café ou dans les bras du banc du deuxième étage. Il s’est laissé aller, soufflant une bouffée de force à Juin. Mais ce dernier avait un jour D, lui aussi et il n’y était pas question d’un dernier jour heureux, de quelques adieux, d’un départ fêté pour ne pas pleurer. Tout était nouveau. Je signai pour tout réapprendre. Et puis Juillet, avec douceur, me pressa l’épaule. Le vent frais de l’aurore de son Jour D portait l’espoir mais le diagnostic rapide laissa milles questions sans réponses dans la brise. Août fit tomber les dernières illusions. Mon âme aux quatre saisons qui parfois, se confondent, se retrouvait torturée face à la souffrance du printemps d’une enfance et de l’hiver de la triste adolescence. Il fallut démissionner.

Départ. Débutant. Diagnostic. Désillusions.

Les jours D sont des défis, des élans dans nos vies. J’espère un R pour toi, si doux septembre. Un nouveau R à Valence. Mais non. Peut-être faut-il en tirer une leçon : ma vie sera ponctuée de Jour D.

D comme dissociée mais bien que diagnostiquée, je resterai non spécifiée. »

 

La jeune fille sort de l’eau, des gouttes sur le visage.

 

"Viens m’affronter défi de Septembre ! Je me relèverai ! " maugréa-t-elle un pied sur l'échelle

Elle repense à un soir, trois années auparavant, où elle avait prié comme cette nuit, le mois de septembre dans la piscine. Un soir où elle ne savait pas encore ce qui l'attendait, ni même qu'elle souffrait d'un trouble dissociatif non spécifié. Septembre lui avait répondu. Ses plus beaux vœux s’étaient réalisés. Elle n’avait jamais autant sourit.

 

« Et il en sera toujours ainsi, finit-elle par dire, les yeux tournés vers la lune, car une saison en moi a la rage de vivre. »

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